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Cette conscience innommable

23 décembre 2012

Ai terminé la lecture de Phi: A Voyage from the Brain to the Soul.

Son auteur, Giulio Tononi, psychiatre et chercheur, nous présente une livre pour le moins original. Au lieu d’étaler ses hypothèses de manière savante, il opte de nous raconter, à travers de multiples historiettes, les pérégrinations de Galilée dans sa quête d’une définition de la conscience. Il faut prendre ici le terme dans son sens propre (consciousness en anglais).

Vous et moi sommes habités par la certitude d’exister, car nous sommes conscients, nous savons simplement que nous existons. A priori, cela ne sert de discuter là-dessus. Antidote nous dit de la conscience que c’est un sentiment, une perception que l’être humain a de lui-même, de sa propre existence, ainsi que du monde extérieur.

Mais qu’est-ce que cela signifie, au juste, posséder une conscience ? Pourrait-on expliquer ce phénomène ? Pourrait-on le quantifier ? Sommes-nous seuls, sur cette planète à être conscients ? Existe-t-il des degrés dans la conscience ? Quelle partie du cerveau en serait le siège ? Et puis, quand nous rêvons, est-ce un autre état de la conscience ? Est-ce une réalité ? Ces questions donnent rapidement le vertige et ne sont pas nouvelles. Les philosophes, et parfois les scientifiques, se sont déjà penchés sur le phénomène, mais s’y sont rapidement butés ou l’ont esquivé par une tournure stylistique.

Au lieu d’aborder ce sujet et ses multiples interrogations et mystères avec un langage savant, Tononi nous propose plutôt une fable et c’est le premier grand coup de maître de cet auteur. Cet homme écrit fort bien. Tout en petits chapitres, on rencontre divers personnages, on se voit présenter diverses questions. Une personne dont le cerveau est « coupé » en deux possède-t-elle deux personnalités ? (on peut « geler » un cerveau). Et si on finit par réunir les deux cerveaux, jusqu’alors étrangers, une nouvelle personnalité émerge ? Le corps participe-t-il entièrement à la conscience ? Qu’advient-il des gens qui ne sentent rien, mais qui demeurent conscients ? Qu’advient-il, a contrario, des gens dont le corps est vivant, mais dont le cerveau n’émet aucun signal ? Est-ce là la vraie mort ? La conscience est-elle plus grande que la somme de ses perceptions ?

On commence ainsi sa lecture par des réductions. L’auteur cherche ainsi à cerner ce que la conscience n’est pas, et j’ai été fasciné par cette partie de la lecture. Puis, lorsqu’on a atteint une base fragile de ce que la conscience n’est pas, on se doit forcément d’aller sur le terrain de ce qu’elle est.

Avec des « guides » savants et à travers de multiples rencontres, nous partons, dans la deuxième partie, à la découverte d’une définition. Et c’est là que ça commence à tourner, à glisser. La lecture est aussi fascinante et plaisante, mais on sent qu’on bascule plus facilement vers la fable et l’intuition. Malgré tout, l’auteur maintient le cap et nous propose un modèle, une unité, le phi.

Certaines des histoires sont vraiment bien écrites et saisissantes. D’autres paraissent ampoulées. La beauté, toutefois, de ce livre, est qu’il nous offre, à la fin des chapitres, les réflexions de l’auteur qui se détache de lui-même pour se critiquer en quelque sorte. Il décortique parfois très clairement, et parfois de manière un peu confuse, ce qu’il a tenté d’explorer. Car il s’agit bien ici d’une ébauche d’explication. On sent durant la lecture les tâtonnements, les hésitations de l’auteur, ce qui le rend d’autant plus humain.

Malgré toute cette belle inventivité, j’ai fini par m’impatienter dans le troisième tiers du livre. L’auteur ne semble plus maîtriser son sujet. S’il demeure humble dans ses propositions, il ne prive pas de faire plus littéraire. À défaut de comprendre, pourquoi ne pas raconter ? Ses arguments deviennent parfois très circulaires et étourdissants, comme dans ces jeux de logiques intellectuelles avec lesquelles tout étudiant en philosophie aime se gargariser entre deux saouleries.

Tononi a, au minimum, le courage de proposer, de faire des pas. Son livre est truffé d’illustrations. Le livre est beau, l’auteur est élégant et sa connaissance de la folie humaine (il est psychiatre, ne l’oublions pas), colore ses écrits de manière très vivante et incarnée. Ce livre est une sorte de Divine Comédie à laquelle il emprunte la formule.

Je suis allé lire ensuite ce qu’on en pensait. Loin de faire l’unanimité, les propositions de l’auteur ne sont pas moins discutées sérieusement. Voici quelques liens qui expliquent mieux que moi de quoi il en retourne.

La photo est de moi. Il s’agit d’une modification d’une simple image : les traces laissées durant la cuisson d’un pain sur du papier parchemin.

Il a aimé

Un bon résumé

L’aspect savant

Il est très critique face à l’approche