Mes doigts glissent avidement sur les présentoirs d’Instagram, de Facebook, d’Ello, de Tumblr et je ne me suis pas encore ouvert un compte Snapchat. Des hashtags et des superlatifs, des opinions dans tous les sens, des conversations tout aussi éphémères qui paraissent pourtant essentielles, comme si nous étions tous en train de mourir et que, devant nos yeux à demi vitrifiés, se vidait notre mémoire dans la poubelle du néant.
Voilà une semaine que, presque tout le temps cloué au lit, fatigué, l’estomac irrité, l’appétit disparu, je parcours, entre deux périodes de sommeil, l’Internet. Mon corps a choisi le temps de mes vacances pour me dire qu’il en avait assez, qu’il fallait que je décroche. Je dors, off. Je rêve cependant beaucoup. Je me réveille, on. Je fais peu, après avoir subi deux jours et demi de fièvre, erre mes yeux sur les textes, les images, l’incontournable élection américaine — c’est fou ce que les Américains peuvent être étourdissants —, les eaux polluées olympiques du Brésil, évidemment toute la folie planétaire — comment font les animaux pour nous endurer ? —, mon projet de budget, des petites choses parmi les grands questionnements. Puis, je me rendors, off. Je ne semble jamais rêver à des jours meilleurs, mon cerveau nourri par un ulcère probable, tourne en rond et me propose des grossièretés.
Et tout ce bruit d’images, de bien précaires photos lancées par des egos qui ne semblent pas plus avoir d’emprise sur la réalité que j’en ai sur mes finances.
Je pourrais être triste, je n’arrive pas à l’être. Je suis fatigué, j’attends que ça passe. Aujourd’hui, dimanche, j’ai branché Spotify qui me propose un échantillon de mélodies méditatives. Why not. Entre le on et le off. Je ne peux être triste, car je sais que la seule manière d’avancer est d’aller au-delà du découragement, de faire un petit pas à la fois, calmement.
Je lisais justement dans mes ces multiples publications qui ont défilé cette semaine, tels des papillons prosélytes, qu’on ne peut faire quelque chose que si on le veut. Ce n’est pas un truisme. On pense que la fatalité nous oblige à aller ici et là, que les obstacles, les montagnes, les maladies et les rivières exigent de nous des efforts d’ingénierie. Soit. Mais devant justement la rivière, libre à celui qui s’y confronte de rester sur la berge et d’y bâtir son camp, son village, ou d’abattre quelques arbres pour poursuivre son chemin.
Il est vrai que depuis quelque temps, je fréquente la mélancolie, voire la dépression. Il peut sembler que je ne fais plus rien, que je n’arrive à ne pas décider du chemin. Mon corps ne s’est d’ailleurs pas fait prier pour arrêter les moteurs. Pendant quelques jours, j’ai eu l’impression de poursuivre mon vol, puis il m’a bien fallu me rendre compte qu’il fallait que j’ouvre légèrement les bras pour continuer à planer.
Mais chaque chose en son temps, c’est ce que je me dis. Personne ne rêvera pour moi. J’ai juste besoin de ces vacances, d’un bon massage, de simplicité, de mettre tranquillement de l’ordre dans mes affaires.
Il n’est jamais trop tard pour partir à point.