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La dame et son balai

8 août 2012

La dame au balai est encore là. Sa cour grillagée est exempte de végétation, asphaltée. Été, printemps, automne, et même en hiver, je la vois manier son modeste balai de cuisine, pas même un de ces gros balais de quincaillerie à la brosse drue, mais bien celui destiné à déplacer la poussière domestique.

Pas un centimètre n’échappe à sa vigilance et sa besogne l’amène au-delà de son terrain, sur la portion de la rue qui semble lui appartenir et un peu au-delà. Elle chasse, époussette. C’est propre.

Je l’ai déjà vue tailler la haie du voisin, pas celle du voisin d’à côté, mais bien celle d’en face. Une branche devait ne pas correspondre à sa vision ordonnée des choses.

Hier, une fois son ouvrage terminé, elle s’est mise à inspecter son balcon, puis est restée immobile un certain temps, perdue dans ses pensées, ou simplement désoeuvrée.

On pourrait facilement se gausser de sa manie, surtout durant l’hiver lorsqu’elle balaie la neige comme s’il s’agissait de feuilles mortes. Mais au final, que sais-je d’elle ? Et si c’était une bouddhiste dans l’âme qui, dans son infinie patience, répétait inlassablement le geste vide de recommencer ? Et si cela ne lui fait que du bien, décoince des bras emportés par une arthrite vicieuse ? Et si ça lui chante tout bonnement d’avoir une cour propre ?

Je ne lui connais pas de mari, ou si elle en a un, il doit être scotché devant le téléviseur. Alors, pour l’excitation, on repassera.

Enfin, mon esprit divague. Il se répète autrement en tenant de balayer les mêmes racoins de sa cervelle.