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La rivière et l’humilité

4 février 2013

La nuit revient hanter la ville. C’est l’heure de dormir. Je suis encore étonné de ce temps qui passe sans que je ne puisse en happer quelques nourrissantes gorgées. Mon lit m’enfermera bientôt dans le noir, ma chambre se muera en confessionnal étriqué où, pourtant, toutes les idées, les mondes, les possibles prendront place et ne voudront surtout pas voir leurs péchés se dissoudre dans le pardon. Ce sera le rêve, le chaos de l’imaginaire, le torrent froid et vainqueur des angoisses ; ce sera le fleuve large comme un Saint-Laurent, celui que tentent obstinément de capter, infatigables, les esprits artistes, poètes.

Qu’en ferai-je de ces rêves ? Probablement rien, car n’aurai pas le luxe de les retenir, le matin venu. J’ai parfois l’impression de perdre vraiment mon temps, avec ce sommeil, aveugle que je suis. J’ai souvent le sentiment de ne pas être suffisamment prêt à recevoir l’extase, occupé et ligoté à ma réalité. Je suis sérieux, je suis drôle, je ne sais plus.

Il est aisé d’écrire ainsi des oxymorons, facile de cacher son visage, de guider la lumière. Il est relativement commode de taire, de styliser son silence. Il est facile de m’inquiéter, d’y aller à tâtons.

J’ai soif, encore et encore. Je ne suis pas assez seul et je n’aimerais surtout pas qu’on m’isole. J’ai faim, toujours la panse criante. Je ne veux surtout pas mourir sans avoir roté tout ce que j’ai à dire. Je sais, je ne sais que trop bien, toutefois, que, quand bien même je crierais, l’écho sera ténu, à peine formé. Une caverne en quête d’un son. Un souffle en deuil de sa bouche.

C’est sans doute ce que je dois retenir de cette rivière de mots, qu’il ne sert à rien de tenter de la boire entière. Je ne suis sur cette Terre que pour habiter le rêve qui m’appartient.