Où va ma vie, par ces jours pluvieux et ensoleillés ? Un peu comme cette météo changeante de 2013. En moi, autant le calme d’un vieux lac que les éclaboussures d’une rivière nourrie par une lointaine cime.
Si j’étais un ancêtre autochtone, je verrais sans doute le chemin tracé du changement. Mais je ne suis qu’un Occidental vieillissant et urbanisé ; l’écran de mes nombreux ordinateurs me gruge autant la sérotonine que la capacité de rêver.
Pourtant, je rêve et je rêve encore. J’ai une de ces nausées à devoir m’occuper de mes finances, j’ai un de ces hauts le cœur à voir la planète humaine s’entredéchirer ou se perdre dans les réalités virtuelles. Je souffre et me nourris à un vertige insignifiant. Tout, je dis bien tout ce que je ressens participe de la légèreté et de la lourdeur.
Il s’agit là d’un univers fait tout en hauteur, il s’agit d’une réalité qui m’interpelle, il s’agit presque d’une vocation existentielle.
Et ainsi vont mes jours. Les jeudis, c’est jour de chant. Malgré mon silence à en décrire la progression, cet aspect de ma vie s’épanouit, provoque de belles éclaircies à l’horizon.
Il y a deux mois, un ami comptable m’a suggéré de surseoir à ce cours, le temps que je me refasse une santé financière. Je l’ai regardé en souriant et lui ai répondu un peu violemment que je n’en ferais rien. Je mangerai sept jours sur sept du taboulé, s’il le faut, mais n’abandonnerai pas ce leçons.
Car, bon an mal an, ma voix semble se libérer. J’arrive, voyez-vous, à émettre des « si ». Bécarre, je vous le dis. Et tantôt je hurle, tantôt je coince des « do ». Si, si. Des « si » exsangues et des « do » hurlés, mais des si-do tout de même. Ce faisant, cette capacité libératrice à émettre des sons influence tangiblement ma vision du monde, mon appréhension de l’existence. Ce n’est pas d’un travail pénible, mais il faut demeurer patient, se mettre à la tâche, se laisser aller.
Cela est somme toute difficile à décrire. Comme le dit souvent mon professeur Vincent, il n’y a pas de notes hautes, il n’y a pas de notes basses. Il n’y a qu’un escalier horizontal, une volonté accordéon. La magie s’opère quand on réussit à conserver son objectif, quand on écoute vraiment le son et qu’on ne cherche pas à le contrôler, quand on place mentalement sa voix dans le fond de son palais et qu’on lui demande de rester là, d’être là en n’oubliant pas de la nourrir avec une assise volontaire, mais non rigide.
Cela en vaut-il le jeu et la chandelle ? Je répondrai qu’il y va comme du travail de l’agriculteur. On peut faire dans l’industriel ou dans le bio. Dans les cas, cela exige de l’effort, de la persévérance. Le fruit est meilleur quand on y a mis son labeur et sa sueur.
Le plus étonnant est la découverte de cette puissance tranquille qui réside en moi. Cette expérience vaut bien quelques sacrifices financiers. Mon corps est si heureux quand il chante.
Puissiez-vous, chacun d’entre vous, trouver cet appel qui claironne en vous, qu’il soit chanté, dansé, écrit, aimé, construit, jardiné.
Vous le savez, n’est-ce pas ? Votre vie est courte, plus ou moins élastique. Tendez-la. Juste ce qu’il faut. Tel un arc, telle une inspiration, elle vous projettera loin, très loin dans ce bonheur éphémère qui vous sert de respiration et de nourriture.