en

Les mots immobiles

17 novembre 2019

Il me semble que j’aurais autre chose à faire que de rester dans mon lit à regarder la lumière hivernale glisser le long du mur. Rien n’y fait pourtant. Je me perds dans un immobilisme méditatif, écoutant le léger sifflement à mes oreilles comme s’il s’agissait d’ondes radio venues de l’espace.

Je me sens englué, tel un chat endormi dans sa boîte de fortune. L’existence ne me paraît pas meilleure si je bouge ou non mon corps. Je me souviens des lettres-fleuves que j’écrivais à un ami, dans les années 80. Je lui envoyais tout mon désir et mon inconscient par ces logorrhées impulsives.

Je ne me puis dire s’il y répondait vraiment, même si je sais pour me l’avoir dit qu’il les lisait avidement, qu’il en faisait même la lecture à ses amis. Il était fier de ce poète que j’étais. Moi, j’étais secrètement amoureux, je le suis encore un peu, mais pas juste avec lui.

Je suis d’esprit romantique. Le jeune Werther et moi, même combat, sans le suicide. J’ai beaucoup écrit sur l’océan, sur les falaises, le fracas des vagues, probablement pour externaliser les impossibles victoires de mon imaginaire trop fertile, inapte à bien semer les saisons.

Et maintenant le silence. La même solitude que lorsque j’avais quinze ans, toujours à vivre en parallèle des autres, mon regard inconscient, des vagues mues d’elles-mêmes se fracassant contre des récifs, des rochers, des cœurs sourds.

Les ombres s’allongent encore. J’écoute toujours ce silence fait de lumière, de bruits citadins et de grincements de maison. Je ne nie certes pas mon confort, même si je me culpabilise à ne plus rien faire de significatif.

Comme si la prochaine sagesse à comprendre en serait une qui nierait tout.