Mon professeur m’impose ces temps-ci l’étude de l’air In Fernem Land, un air archiconnu de l’opéra wagnérien Lohengrin. On en trouve sur Internet de multiples interprétations, du mielleux Kaufmann à l’imposant Windgassen. C’est un air qui peut jouer dans le pathos romantique à la germanique ou devenir plus humain, se rapprochant presque de la comédie musicale américaine. C’est sans doute un peu ça, j’imagine, Wagner.
Pour moi, l’exercice est exténuant. Je suis un petit ténor vieillot et, sans supervision aucune, les lancées dramatiques d’un simple mi - la ressemblent davantage à de misérables notes sans écho. Dans cet air, Lohengrin décrit que, dans une région éloignée, dans un château du nom de Montsalvat, se cache un temple qui accueille un trésor des plus précieux. C’est le Graal! s’exclame-t-il en chantant ce dangereux mi - la. Quand je chante ça, je m’étouffe, je couaque, je me choque, et de temps en temps, je produis à peu près ce qu’il faut.
Misère du Saint Graal! On dirait que ce simple intervalle décrit mon actuelle existence...
J’en suis rendu là, à tenter d’émouvoir comme un vieux paon ivre mort. Parfois je me dis que c’est parce que je ne crois pas au texte. J’arrive pas trop à le sentir, ou à le ressentir ce Lohengrin. C’est pas moi, ça, Wagner.. J’ai davantage de plaisir à chanter le larmoyant air de Lensky. Je me demande également pourquoi j’insiste, pourquoi je poursuis. Certainement pas pour aller chanter ça devant un auditoire...
Enfin, un mi la par-ci, un mi la par là, ça évacue le mucus...