Voilà presque dix ans que j’ai acheté ma maison avec mon ami Yves. Il habite le rez-de-chaussée, avec son mari, moi, le premier étage (ou le second, c’est selon sa façon de numéroter les étages).
J’ai plongé dans mes archives photographiques pour retrouver les grandes étapes de réfection de mon appartement, rénovation qui en fait rire plus d’un puisqu’elle s’éternise. Il faut dire que, si au début j’y ai mis temps et argent, c’est qu’il y avait dans mon esprit urgence de rendre l’endroit habitable. Trop de plâtre à mon goût, trop de cloisons, une salle de bains anémique, et une grande pièce double prometteuse, qui je le croyais à l’époque, me permettrait de bâtir mon studio de photos.
Il s’en passe des choses en dix ans. À commencer par un ralentissement graduel des efforts mis sur la réfection de chacune des pièces. J’y suis allé au début avec les sommes engrangées par la vente de mon condo, puis je me suis enlisé dans une marge de crédit. Ensuite, la vie qui suit son cours, les pièces qui n’aboutissent pas.
Cependant, je peux affirmer que le « gros est fait ». Le constat est que j’ai trouvé les volumes qui me convenaient. Quand j’observe chacune des pièces, je peux me dire que c’est bien moi qui ai sculpté l’espace, exercice certes inconscient, mené à la petite semaine avec aussi plus ou moins de bonheur quant à la finition. J’ai parfois l’impression de faire du vieux avec du neuf, ou du « neuf-vieux ».
L’appartement est trop grand pour moi. Je n’habite pas encore le grand salon qui reste à compléter. Il me manque des portes. Je ne peux inviter décemment des gens ne sachant où je pourrais les faire asseoir. Je n’ai pas de télé non plus.
Si j’ai trouvé des volumes, ils ne sont donc pas totalement appropriés. Ils le seront possiblement quand je devrai vendre la maison. Mais ça, on traversera cette rivière quand on y arrivera. Je ne me fais pas de plan. Peut-être je reprendrai un jour la photo. Peut-être j’installerai un secrétaire dans la grande pièce et j’écrirai un grand roman. Peut-être un compagnon viendra m’accompagner ou peut-être je ne ferai rien de tout ça. Je lis sur Conficius, Socrate et Bouddha, bien des silences pourraient s’y conclure.
Je me promets pourtant de créer un album sur les diverses étapes de construction. Ce travail mérite qu’on le documente ne serait-ce pour en prouver la valeur auprès des évaluateurs ! Ciel que j’ai travaillé fort et que je travaillerai encore ! Et s’il ne s’agissait que de ça, bâtir ? C’est une forme de prière, non ?
Ça passe le temps, ça laisse une trace, c’est tout ce que je sais faire.