Ma sœur France m’a remis hier, au jour de l’An, une copie électronique des documentaires faits par mon oncle Serge Giguère. Serge avait transmis ces films à ses frères et sœurs et, modernisme oblige, ma sœur les a transposés pour que notre mère puisse les regarder dans son salon ou sur son ordinateur.
Je ne sais pas si ces films sont disponibles quelque part. Ils ont pour moi une grande valeur, non pas seulement parce que c’est ma famille, mais parce que Serge possède un regard neutre et pourtant tendre sur les gens. Il est un fin documentariste qui a mérité, en 2008, le Prix du Gouverneur général en arts visuels et en arts médiatiques.
On y voit quelques images de mon arrière-grand-père maternel (que je n’ai pas connu) qui relate la dureté de son travail. On y voit surtout, dans le premier film, des scènes du jour de l’An 1975, chez les Giguère, l’année du décès de ma grand-mère. Un deuxième film, À maison, reprend les images du premier film dans lequel, à la suite de la mort d’Antoinette, Hector casse maison (je n’en suis pas certain, ma mère confirmera). Enfin, L’Homme qui chantait sua job, documentaire centré sur mon oncle Bruno, chanteur western. Les trois films forment une continuité.
Les images de mes grands-parents sont certainement pour moi les plus touchantes. Voir le dynamisme de cette femme qui aura porté et délivré seize enfants (douze vivants) et qui, jusqu’au bout, aura donné à tous. Voir mon grand-père pleurer son épouse maintenant absente des murs de leur maison vidée. Entendre cet homme parler lui aussi de son dur ouvrage. Il a fait cinquante-six métiers, a travaillé en forêt (il devint fort comme un cheval), fut barbier, travailleur d’usine. Me voir aussi, à 14 ans, portant la moustache, secrètement épris de mon cousin (il n’a jamais su ça !). Je possède si peu de souvenirs réels de mon enfance, j’ai tendance à oublier si vite.
Revivre ces moments m’oblige à reprendre racine, à ne pas protester, à suivre le courant. Les revoir tous à cette période, savoir maintenant où ils en sont, c’est la leçon tacite de la valeur du temps. Entendre mon grand-père dire que la vie, lorsqu’on a l’agrément, est un beau passe-temps :-) Tout ça insuffle le sourire et la nostalgie. Tout ça vit.