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Nous, les exilés

18 février 2012

Je peux comprendre les croyants qui se battent pour qu’on ne banalise pas leur foi, qu’on ne l’enrégimente pas dans un banal compartiment de choses à savoir parmi tant d’autres. Je comprends ainsi ces parents qui se battent en Cour pour que leurs enfants ne soient pas « pollués » par des idées qui, au minimum, relativiseront les doctrines qu’ils tentent d’inculquer aux jeunes cerveaux qu’ils ont fait naître.

On peut comprendre aussi les gens qui ont peur que la belle langue française ne disparaisse du territoire québécois, que la persistance des immigrants à vouloir parler anglais, seule langue externe qu’ils ont de toute manière apprise, fragilise la syntaxe et les complexités anciennes.

Il y a des menaces partout et il y en aura toujours. Autrefois, c’était si facile, dit-on. Une seule religion, une seule certitude, une seule langue. Il y a bien eu des envahisseurs, on a dû parler ici anglais et on se bat encore pour que le français s’implante. Notre prison économique était ainsi une symbolique protection, cela nous a tissés serrés.

Et maintenant ? C’est le flou sur tous les fronts et les gens, peu habitués à comprendre les choses, se sentent exilés dans leur propre pays. La réalité océanique des diversités culturelles gruge plus rapidement que prévu, tel un réchauffement climatique indu, les falaises où nous avions érigé nos minces mansardes.

Cela ressemble au Moyen Âge où, bien que tout était difficile, parfois barbare, les esprits s’éveillaient, allaient bientôt retrouver des certitudes volcaniques qui allaient donner les Révolutions, celle de l’esprit, de la science, du coeur et, finalement, de l’industrie.

Les gens qui ont peur ne semblent pas comprendre que l’altérité est source certes de confrontations, mais aussi d’enrichissements que, si elle peut abattre le vernis de tant de croyances et de dogmes, c’est bien pour y découvrir des couches plus anciennes, des vérités plus fondamentales.

Derrière chaque Dieu, Allah et les autres tralalas, se cachent des questions. Derrière toute découverte scientifique, toute avancée technologique, se dessine la volonté humaine d’aller de l’avant. La Bonté est plus grande qu’il n’y paraît. La Vérité ne nous appartient pas et nous le savons bien, car nous nous battons non pas pour elle, mais généralement pour de simples modalités. Tout le monde il a tort et il a raison.

Il y aura bientôt un siècle, les gens sur cette planète ont commencé à croire qu’on pourrait revenir aux Fondamentaux, à se créer une société humaine juste, à l’échelle du globe. Plus tard, après la Deuxième Grande Boucherie, on a tenté de nouveau l’exercice. Les Nations unies sont nées. Mais les Grandes Erreurs ont perduré et, Internet oblige, nous en percevons partout les gâchis.

Il est normal que les gens aient peur, ils veulent revenir en arrière, dans leurs hameaux confortables, avec leur dieu local qui dicte tout et qui ne permet pas, en principe, les injustices.

Nous devrions cependant assumer notre exil et avoir véritablement foi en l’humanité. Le bonheur est simple, et ce sont nos craintes qui gâchent tout. Nous devrions aimer le voyage et l’incertitude, car si c’est en voyageant que se forme la jeunesse, il serait grand temps que le coeur des hommes prenne une cure de jouvence.