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Slow motion

16 février 2012

Le temps est particulièrement doux à Montréal. L’hiver, tout compte fait, n’a pas de prises sur le bitume huileux de la métropole qui n’en poursuit pas moins sa course.

Mes propres jours sont pressés ; les clients veulent tous tout pour hier et ils cherchent à enterrer le plus possible le lendemain avant qu’il ne naisse. Déjà un réveil tôt le matin, car je devais me rendre au CSLC pour mon annuelle prise de sang. Retour chez moi, et journée à éteindre les multiples feux initiés par mes clients. Je suis privilégié de ne pas avoir à me chercher du travail, celui-ci arrive vers moi sans effort. J’aime mon métier. Dans certains milieux, on m’appelle The Machine, car je sais produire prestement et efficacement.

Il y a certes un coup physique et mental à cette production parfois effrénée. Et hier, il m’a fallu prendre de bonnes respirations pour calmer tant mes nerfs que mon cœur. Puisque c’était mercredi-pizza (un petite tradition communale à la maison [mes amis en bas, et moi]), je suis allé chercher du vin en fin de journée. Les rues à l’heure de pointe sont vives, trop peut-être. Peu de gens sourient, ils ont été eux aussi pressés comme des citrons et ce qu’il leur reste d’énergie leur servira à les conduire sagement à la maison où ils s’endormiront vraisemblablement très vite dans leur canapé. Oh! la vie ne s’arrête certes pas au 9 à 5. Plusieurs d’entre eux auront leur 5 à 7, leur petite heure de jouissance, leur grand bonheur au théâtre, au cinéma ou dans leur lit. La vie continue, et elle semble parfois si rapide, si énervée.

Comme la succursale de la SAQ est suffisamment loin pour prendre le métro lorsque je suis pressé, mais assez proche tout de même pour faire le trajet à pied, j’ai opté, vu la douce température, pour la marche.

J’ai pris mon temps, ralenti la pression, écouté mon existence traverser la rue, observer tel homme à la barbe enivrante pour mes yeux, telle femme à la fatigue évidente aux bras qui traînaient deux marmots récalcitrants, tel autre homme, vieux, aux jambes si chambranlantes qu’on l’imaginait tomber là, comme une branche au verglas. Différents parcours, différentes vitesses.

À mon retour, je contemplai l’évolution de la construction de ces nouveaux condos qui étoufferont bientôt l’église demeurée au centre du complexe. Les ouvriers n’étaient déjà plus là. J’y ai vu une belle lumière. Clic, clic avec mon appareil photo.

Il pleuvait un peu. J’ai pressé le pas, car il faut se méfier de l’eau tranquille.

Bonne pizza avec mes amis du rez-de-chaussée qui s’endormaient déjà dans le canapé. Je suis remonté, me suis énervé un peu, çar on me demandait encore de me presser pour un truc, ai travaillé encore puisque ma charge de travail est devenue une grande forêt qu’il me faut abattre. Guy The Machine. Un ami m’a dit d’aller me coucher, car je devenais bête.

Ce que je fis. Bref, la lenteur m’échappe. Rendons grâce au sommeil implacable qui, lui, n’accepte que rarement d’être dérangé dans son horaire.