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The tree

August 11, 2016

J’étais en avance. Mon cours de chant ne commençait que dans quinze minutes. Comme à mon habitude, dans de tels moments, je m’assois sur un banc placé près d’un arbre, dans ce qui tient lieu d’un minuscule parc sans nom, sans attrait, à peine plus grand qu’une cuisine, pas très Feng shui non plus, enchâssé entre l’arrière d’une église et une ancienne Caisse populaire transformée en salon de beauté.

Le parcours de quinze minutes, du métro à ce banc, m’avait un peu épuisé. Mon début de vacances, une semaine plus tôt, a dégénéré. Pris d’une fièvre inexplicable, j’ai presque cessé de manger, dormant tout mon saoul au-dessus d’heures devenues inutiles. J’ai perdu deux kilos en une semaine.

C’était ma première grande sortie depuis cet épisode. Je n’avais toujours pas grand appétit, mais je me sentais suffisamment fort pour affronter le chant. J’étais plus que décidé à remonter la pente.

Enfin, donc, sur ce banc, j’ai ouvert mon téléphone, ma seule ancre avec la planète durant ces journées floues, passées à ne rien faire. Les quinze minutes passèrent, on s’en doute bien, très vite. J’étais maintenant presque en retard. Je me suis levé et, en même temps, observé l’arbre devant moi. Je me suis immobilisé aussitôt. Ce n’est pas un arbre magnifique, plutôt du genre urbain qu’on a planté là il y a quelques années pour adoucir le climat de ces régions trop bétonnées. Un jour, cet arbre sera vénérable, mais il n’en démontre pas encore les signes.

J’ai toujours aimé les arbres, je les ai souvent décrits dans mes textes. L’Effet Casimir commence par le bruit des branches au vent. Falaise leur laisse la part belle quand il s’agit de raconter les aventures sexuelles des jeunes garçons.

Cet arbre devant moi n’avait qu’un seul mérite. Il m’offrait cette fraîcheur qu’on apprécie tant en temps de canicule. Je m’en apercevais au moment où je le quittais. J’ai souri. À dire vrai, je lui ai souri comme on fait une prière. Pendant d’infimes secondes, mon esprit s’est amusé encore une fois avec le mouvement indolent des feuilles. Je me suis rassis, je l’ai pris rapidement en photo, puis m’en suis allé.

Ce fut mon petit moment Bouddha et, pendant que j’écoute en ce moment une mélodie nouvelleâgeuse, assis en indien sur mon lit, j’observe l’arbre à ma fenêtre. Le ciel est gris, le vent n’est pas vraiment mort, alourdi par la pluie qui commence. Les grandes chaleurs sont passées. Dans quelques jours, je recommence à travailler.

Ces deux semaines auront été de toutes les magies et incertitudes. Je suis profondément inquiet, mais puisque je ne contrôle pas ma vie, pourquoi m’en faire ? J’aurai toujours la richesse d’observer les arbres, d’en apprécier leur douce protection. Quand on ne veut plus rien d’autre, tout est possible.