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À mes parents

21 mai 2017

Hier, nous célébrions le 60e anniversaire de mariage de mes parents. Pour l’occasion, j’ai écrit le texte suivant.

Ah, nous y voilà revenus, à ce jour béni d’un important anniversaire! Il y a deux jours, vous fêtiez officiellement soixante ans de vie commune.

J’avoue avoir mis du temps à me mettre à la rédaction de ce texte. J’ai relu ce que je vous avais écrit pour le 40e, le 45e, puis le 50e. À part m’être trouvé pas mal bon, cela ne m’a pas donné nécessairement du courage pour percer la page blanche. Que dire de plus, en effet ?

Peut-être un seul mot, que j’ai entendu à maintes reprises quand je disais à mon entourage que nous célébrions votre soixantième. Wow!

On a beau vivre plus vieux dans nos sociétés modernes où tout semble pourtant si éphémère et sans souvenirs, on ne s’est pas encore habitués à penser qu’une relation, ça peut durer tout ce temps...

Il y a soixante ans, l’un et l’autre, vous vous juriez d’être là pour l’autre, dans le meilleur, dans le pire et dans cet entre-les-deux que représente l’ensemble des actions et des gestes du quotidien. Qu’est-ce qui a changé depuis ? Je suis retourné sur le site familial pour revoir les photos de ce temps-là. Je me suis fait alors la réflexion que le temps, ce long temps de soixante ans, ne paressait pas avoir changé.

En regardant cette photo d’avant le mariage où, assis sur le divan, toute endimanchée de bonheur, maman tenait la main de son futur, lui aussi bien mis, en veston cravate s’il vous plaît. Elle était heureuse, alors que l’homme, lui, riait aux éclats, probablement fier d’avoir dit encore une connerie.

Cela n’a pas vraiment changé, n’est-ce pas?

Quand, une quinzaine d’années plus tard, sur cette autre photo, maman rit de bon cœur, son homme à ses côtés. Qu’avait-il encore dit, que se remémorait-elle?

Et le reste, toutes ces années, faut-il toutes les nommer? Il me semble qu’il s’agit toujours de ce même instant, même si, évidemment, je n’y étais pas.

Qui a mené qui dans cette galère? En relisant le magnifique texte que papa nous a écrit lors du 45e, je comprends que que vous étiez forts, indépendants et c’est dans ce respect mutuel que vous avez débuté et poursuivi l’aventure. D’un commun accord, dans cette promesse que les fous rires continueraient, que la force est dans l’union et le consentement de chacun des jours à vivre ensemble.

Ça, c’est la plus grande leçon qu’on retient et qui m’a constamment motivé, voyez-vous, dans tout ce que j’ai écrit et pensé. Même moi, qui suis relativement seul dans la vie, tente de construire autour de moi ce même climat de bonté, car elle seule vainc et nourrit l’existence.

L’amour est fait de compagnonnage, de traversée du désert, de repos dans des oasis. Il est fait de dur, de patient labeur, tout comme il s’égrène dans un chapelet d’enfants et de réalisations. Autour de vous, ce soir, le cheminement de ce bonheur incurable, un bonheur issu de ce rire à construire et à mordre dans la vie. Ils sont là à tous se dire, « wow ! ». Je veux être comme eux quand je serai vieux, vieux comme eux…

Mais vous, vous n’êtes pas vieux, n’est-ce pas? Vous êtes ensemble, campés dans la vie.

Je devine que vous faites plus souvent qu’avant le bilan. Papa nous le disait il y a vingt ans et il nous le redit encore. Il est heureux d’avoir devant lui ses enfants, ses petits-enfants et arrière-petits-enfants tous plus intelligents les uns que les autres. Je sais maman vivre cette même adoration, à regretter peut-être de ne pas nous voir plus souvent, car le sens de la famille, elle a ça dans son cœur et dans ses veines. Nous avons hérité de vous deux notre désir d’aller plus loin, de mordre dans la vie.

Et je vous sais encore vous traiter de tous les beaux mots d’amour et aussi de vous taquiner constamment. Votre folie, votre amour, votre amitié est constamment là, comme au début. Chaque année maintenant devient de plus en plus significative tant pour vous que pour nous. Il faut être vraiment fou pour aimer, être vraiment en amour pour être fou, être vraiment copain pour être toujours là, la main dans la main, à se nourrir du bonheur de cette vie fertile.

Wow ! je ne peux que dire ça, moi aussi. Je le répète, je l’ai entendu d’amis, de collègues de Montréal, de la France, de l’Algérie, du Brésil. C’est un fait rare, soixante ans, quelque chose dont vous ne vous doutiez certainement pas.

Et j’ose parier du plus profond de mon cœur, que dis-je, de mes entrailles de petit garçon, que je serai encore là longtemps devant vous à vous raconter d’autres belles histoires sur le chemin de votre immense amour.

À votre quarantième, vous vous en rappelez, nous, vos enfants, nous nous étions placés devant vous pour vous bénir. Il faut croire que cela vous a porté bonheur. J’inviterais Diane, France, Dominique et Marie à se joindre à moi.

(……….)

Voilà, nous sommes encore devant vous, à mettre la main sur le cœur, nous sommes les mêmes, nous sommes le fruit de votre amour et cet amour a grandi, vous le voyez dans cette salle. Tout cela n’a pas changé, et notre amour est immuable.

Comme le chantait Ferland : une chance qu’on s’a…

Et comme le disent les d’jeunes vieux : eh, respect…

Maintenant, si vous le voulez bien, j’aimerais revenir à la tradition. Il était de coutume, et ça l’est toujours un petit peu, lors du jour de l’An, de demander aux patriarches de nous accorder leur bénédiction. C’est à l’aînée, je crois, qu’il revient de faire la demande.

Diane?

Mes chers parents, auriez-vous la bonté de nous de nous bénir?