J’ai rêvé de lui. Il se tenait près de moi, je ne distinguais pas son visage, mais pouvais observer sa pilosité, deviner la force de son sang par la veine pulsante de son cou.
Je me souviens qu’il me montrait quelque chose et qu’il me souriait. Je ne peux savoir quoi et pourquoi. Je crois que le rêve fut bref — comment peut-on réellement mesurer l’éternité d’un rêve ? — je me suis réveillé en pensant à lui et, depuis maintenant trois semaines, il hante mes pensées.
Je me suis demandé ce qu’il était, j’ai fait le tour des peu nombreux hommes que j’ai connus. J’ai observé ceux que je croisais dans la rue, le métro, mon regard s’attardant autant sur ce qui commence que ce qui s’achève. J’en suis venu à interroger mes idéaux, flous comme mon désir de bonheur, et puis j’ai cessé de chercher dans ces ailleurs des gens, dans ces paradis inaccessibles.
Après un temps de silence, il est revenu près de moi; j’ai fini, je crois, par le reconnaître sans qu’il ne dise un mot, ne fasse un geste. Je n’ose pas encore vraiment l’interpeller ou le nommer. Est-ce une évidence ? J’ai rêvé de moi, de ce que je suis, ce que j’ai été, ce que j’ai fait depuis tout ce temps dont je me rappelle si peu. Je ne peux presque pas en parler. Cet homme est en moi, il me quitte si souvent, il part sur son navire et me promet de revenir. Je suis sa future veuve même si, pour être honnête, je sais qu’il me survivra.
J’ai rêvé de lui, de moi, j’attends son retour pour qu’il me raconte ses aventures, qu’il me nourrisse. J’ai soif de le comprendre, de le connaître. Il est le seul et véritable compagnon. Pas étonnant que je l’aie cherché et que je le cherche encore chez mes amis, mes amants, mes inconnus.
Il me manque.