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Avant le sommeil

21 octobre 2013

Ma parole est automne, hiver. Votre regard est printemps, votre toucher, été. Il y a davantage à donner par l’œil que l’écriture est capable d’offrir. Les gens autour de moi sans cesse, aux postures d’anges, de grosses vierges Maries, de tranquilles Sébastiens.

J’ai l’impression que l’histoire se rejoue à chaque ouverture des portes du métro. Nous connaissons si peu nos gestes, nous ne nous rendons à peine compte que nous sommes à la fois lumière et horreur.

J’ai tant d’impressions à regarder que j’en deviens quasi castré de vénération, submergé, anéanti, sans force, mortellement petit.

La vie n’a de cesse d’étaler sa jeunesse, sa même jeunesse, à peine différente de ce que je fus, ce que vous aurez été. Le passé ne se fatigue pas à se renouveler, le futur ne se lasse pas de se répéter. Nous buvons notre temps, l’eau nous pisse des pores, nous ne sommes opaques que pour mieux nous désintégrer, transparents, évanescents, sans raison.

À chaque fois qu’un corps s’approche du mien, à chaque fois le rêve s’espère un avenir, s’espoir une saveur. À chaque fois que mes lèvres veulent s’ouvrir, à chaque fois me retiennent âprement les mains de mon expérience, résonnent vaillamment en chœur les Cassandres de mes souvenirs.

Ce texte est perdu, ses phrases forment des théologies d’intellectuel. C’est ma manière de se draper de beauté, de cacher ce corps vieillissant, ce cœur avidement naïf.

J’ai tant à chanter que les murs de mon incapacité à tout dire s’épaississent. Ma vie s’autisme.

C’est ainsi, souvent, que j’aborde la nuit.