Avec le temps, a chanté le poète, tout s’en va. Il est vrai que tout semble pointer vers un horizon que nous n’atteignons jamais. La vie va, les douleurs vont, les joies ne demeurent pas plus en place. Au cœur de la Terre se mijote un enfer de plasma qui nous éclabousse parfois dans des rictus volcaniques et nous incendie la peau. Les galaxies s’étourdissent et s’entrechoquent pendant des millénaires, s’avalent comme les baleines engouffrent le plancton, des bouches se cherchent, des langues se délient, des salives et des hormones s’échauffent, les sexes se gonflent et les utérus explosent.
Avec le temps, on en oublierait d’où on est venu, on ne se remémorerait plus rien tandis que l’ignorance nous agite à la figure un bouquet de carottes prometteuses. Hélas, donc, comme le répète, amer et sage, le poète, tout s’en va.
Je ne suis pas d’accord.
Je suis plutôt du côté des innocentes galaxies et des naïves saisons. Qui les mène par le bout du nez ? C’est un mystère. Peut-être rien. Voilà pourquoi je persiste. On ne connaîtra jamais la fin. Contentons-nous des recommencements.
Si, avec le temps, on n’aime plus, c’est pour, bien sûr, le lendemain, vouloir aimer encore.