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Le baiser du lion

18 mars 2018

Peu importe d’où provient le rêve, il se poursuit parfois au-delà de notre inconscience, éclairant de ses chaudes lumières la réalité de l’aurore.

C’était un lion en bonne et due forme, du moins à son premier contact. Comment il s’est retrouvé dans mon lit, le sexe fort, je ne saurais m’en rappeler ou mon rêve n’a pas cru bon de m’en fournir les détails. J’avais peur, j’avais envie de lui. En l’embrassant, les lèvres de sa gueule paraissaient être celles des hommes de mon passé ou de mes désirs. À quoi bon savoir. Je retiens la crainte et l’appétit.

Le lion a soudain pris forme humaine, ne conservant qu’une chevelure démesurée, noire, intense. En petite cuiller, comme dans mes souvenirs auprès de corps chauds, il se laissait caresser et protéger. Je me suis réveillé, interloqué.

Il commence à faire nuit maintenant. J’ai dormi une grande partie de l’après-midi après avoir cherché une image qui pouvait correspondre à mon rêve. Je cherchais quelque chose issu du Moyen Âge, le grand puisard de notre imaginaire. J’ai lu aussi des stupidités sur la signification du rêve. Bien sûr, un lion représente la force, la sauvagerie même, la jungle, l’aventure.

Or, mon lion, je lui faisais l’amour. Son corps était plus diffus, dangereux certes, mais évanescent comme on peut s’y attendre dans un songe. L’érotisme était on ne peut plus clair, cela n’a rien de surprenant chez moi. L’art, après tout, se vit souvent comme une étreinte qui se réinvente.

Il se fait tard, j’invente assurément plus que la passagère réalité du fantasme. J’ai encore sur ma langue le goût de son membre animal, encore cette sensation qu’il pourrait me dévorer et cette fascination pour sa puissance.

Si j’avais une telle présence à mes côtés, chaque matin, je crois que je deviendrais moine, à vénérer silencieusement, à offrir à ce lion mon âme et mon corps en partage, mourant perpétuellement, heureux d’amour, totalement subjugué par la morphine de son être.