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Ceci est un soupir

2 septembre 2012

Comment nomme-t-on ce symbole ? me demande Vincent.
— Un silence ?

Il me sourit poliment.

— C’est un soupir, et il porte bien son nom. Ce n’est donc pas tout à fait un silence, en fait si, mais un silence avec une intention. Tu comprends ?

Je réponds par l’affirmative, tout en me disant qu’il s’agit encore là d’une de ces explications qui ne veulent rien dire et qui disent pourtant tout (il me lança d’ailleurs une autre de ces phrases koan : la gorge qui chante bien ne chante pas). Puisque la musique se passe de mots, il faut l’exprimer par des symboles et celui-ci en est un.

Nourri par cette donnée, je rechante la ligne que je venais de faire en laissant planer un peu le son sur le silence, afin de rejoindre la note suivante. Vincent est content. J’ai compris. Il ne faut pas se taire lorsqu’on rencontre un silence, le compositeur n’a pas écrit ce symbole simplement pour nous laisser respirer. D’ailleurs, il faut parfois reprendre son souffle à des endroits où on aurait aimé bien plus d’espace entre les notes !

Mon troisième cours s’est déroulé très rapidement. Vincent a pris beaucoup de temps à tenter de stabiliser mes graves. J’ai donc appris, du moins ai commencé à apprendre, à revenir à une voix un peu plus de poitrine lorsque je dois descendre vers les graves, comprendre qu’il ne s’agit pas ici de chanter de la gorge, mais bien de faire vibrer l’assise de la voix. Les techniques pour arriver à comprendre tel ou tel mécanisme de la transmission du chant peuvent parfois paraître barbares, mais il s’agit essentiellement de casser des moules, de fendre le roc ferme des habitudes. Par la suite, on le devine rapidement, les coups de cisailles se raffinent ainsi que le résultat.

L’exercice consistait donc à chanter normalement pour basculer, au signal du professeur, en un son plus guttural. Par magie, en chantant ainsi comme un animal, les graves s’ouvraient. Par la suite, en se souvenant de l’ouverture du larynx, il me fallait chanter tout le long sans emprunter cette voix rugueuse. En quelques tentatives, j’arrivais à descendre au-delà du la que j’écorchais auparavant. Enfin, plus tard, en chantant la petite toune italienne (que dis-je, l’air italien !), Vincent me rappela l’exercice de la voix rauque, ce qui me permit de faire vibrer davantage les dernières notes, sans que cela ne paraisse éteint.

Ne jamais, au grand jamais, abandonner une note à elle-même. Demeurer toujours tendu comme un arc, souple, et fort.

Apprendre à soupirer n’aura jamais été aussi stimulant !