Le temps n’est peut-être, au fond, qu’un long couloir immobilisé dans la matière, un train sans queue ni tête. La matière est plus lente que nos humbles pas. Nous courons, dansons, batifolons, n’ayant d’échos que ce silence plus grand que nos natures, plus immense que nos espoirs, tout aussi profond que notre ignorance.
À quoi agripper nos petits bonheurs ? Les parois sont lisses, notre destin muet comme une statue divine. Nous formons un troupeau, conçu pour paître parmi les autres espèces. La main qui nous aurait créés sera également celle qui nous effacera. Les forces qui se meuvent en nous se mêleront dans un jour ou dans un million d’années aux appétits d’une quelconque union cosmique.
À quoi bon vivre alors ? Rien de plus simple, parce qu’il en est ainsi. Il n’y a pas lieu d’espérer des jours meilleurs, il n’y a pas lieu d’en craindre des pires. Chacun de nos matins se veut le réveil de nos âmes, de l’autre côté de la planète, les lucioles s’éveillent aussi ; nous sommes, le temps d’un jour, leurs antennes pour qu’elles n’oublient pas de se rendormir. Elles seront les nôtres le moment venu. De l’autre côté de l’univers, qui est peut-être tout simplement dans notre dos, chuchotent dans des labyrinthes quantiques nos ancêtres et nos progénitures.
Le train ne part jamais, les portes demeurent grandes ouvertes. Nous sommes le sang de l’univers.