Chanter, c’est aussi danser intérieurement avec son corps, à tout le moins, projeter la cage thoracique vers une invisible intention. J’ai tendance à lever les bras, ce qui pourrait passer pour une inutile grandiloquence. Or, sous la douche ce matin, j’ai compris, je crois, la raison. Lorsque le diaphragme, muscle silencieux et incontrôlable, participe correctement au chant, il soulève le thorax non pas juste par-devant, mais surtout à partir du coccyx en traversant, le long des côtes sous les bras, puis les zones latérales des omoplates. Il en résulte un soulèvement naturel des bras, comme si les ballasts étaient soudainement trop pleins. L’air est là, sans que le ventre n’intervienne (on demande souvent aux choristes de gonfler le bas du ventre, grande erreur, car cela a tendance à faire courber l’échine). Respirez en fermant la bouche (par le nez donc), vous comprendrez.
Il faut, je crois, davantage penser notre corps comme un arc. La colonne vertébrale est la corde qui se tend et la zone où placer la flèche, le chant, se situe au niveau du sternum, mais à l’arrière. Ce faisant, un espace est fait, telle une cheminée volcanique. Les cordes vocales ne sont pas l’appui, l’air n’y fait que passer. La lave, le souffle, réchauffe ensuite le palais où tout vibre, se meut, augmenté comme si on se trouvait sous la voute d’une cathédrale ou d’une grotte.
Il ne faut pas penser que cette tension de l’arc doit être rigide. Chanter ne relève pas de l’arbalète, mais plutôt de la grâce d’une harpe. Le travail repose donc sur une contradiction. Il faut être tendu pour chanter, mais il ne faut pas se durcir. Il faut maîtriser son corps pour arriver à le faire vibrer.
Il faut savoir danser sans se mouvoir, danser sans se déséquilibrer, contrôler pour libérer. Assez fort pour s’élever, assez souple pour ne pas casser. Entre le chêne et le roseau. Il faut savoir labourer, semer pour jouir ensuite du printemps retrouvé.