La journée, recouverte de sa grisaille matinale, se para de belle couleurs, tôt. Le ciel devint bleu comme le printemps. En soirée, reprise des répétitions de Ganymède, avec notamment l’apprentissage de Beau Soir de Claude Debussy, et de Les Pins de Paul Pierné, mélodies suaves, empreintes de ces vapeurs encodées délicatement, qui ne présageaient nullement des horreurs des guerres à venir. Les textes de cette époque possèdent cet air vieillot et pourtant résolument éclaté où lorsque au soleil couchant les rivières sont roses et qu’on conseil d’être heureux semble sortir des choses, ou encore Gloire à la Lune d’or aux splendeurs vespérales et Quand l’aube vermeille, du haut des glaciers, soudain illumine les troncs réguliers.
Quelques choristes s’amusaient des phrases pompeuses, certains autres, anglophones, se grattaient la tête pour tenter de comprendre le sens des mots "diaprent", "frondaisons" (les Québécois eux aussi se massaient le chignon).
Il n’empêche que cette poésie, qui tentait l’impossible pour découvrir des contrées nouvelles, s’est volatilisée. Aujourd’hui, il faut voguer encore plus haut, entre les connaissances quantiques, ou plus bas, parmi les intégrismes religieux, comme si la poésie doit dorénavant se lire et s’inventer en silence, ailleurs, chez des esprits attaqués de mathématiques vertiges.
Ce monde dans lequel je vis est étonnant; ses lumières seront certainement reconnues, tôt ou tard, mais il faut admettre qu’il est dur de convaincre en rêvant. Nos voix ne chantent plus la lumière visible. On s’émerveille dans le 3D au risque de voir s’oublier ce conseil de goûter le charme d’être au monde, cependant qu’on est jeune et que le soir est beau, car nous nous en allons, comme s’en va cette onde. Elle à la mer, nous au tombeau (Beau soir, Debussy).