Chaque jour apporte son lot de stimulations, d’enrichissement, de blessure, d’énervement, de joies, de gestes inconscients, mécaniques (et quelques rares fois volontaires).
Lorsque j’avais un chien, encore plus loin dans le passé, lorsque j’avais des chiens, j’étais obligatoirement dehors, quatre fois par jour. Mon regard s’attardait sur tout et sur rien, sur mes chiens, leurs crottes, leurs plaisirs, sur les promeneurs, les étudiants qui allaient maugréant s’engouffrer dans le savoir, les ouvriers, les secrétaires, les techniciennes et ciennes s’engouffrant dans la bouche insensible du métro.
Ma vision s’est quelque peu rétrécie depuis. J’ai troqué la prison des nécessités canines à celle du quotidien qui passe. Je me lève, déjeune en compagnie de mon voisin (c’est presque une commune chez nous), je m’assieds devant mon ordinateur, je regarde de temps en temps par la fenêtre. Je vais parfois à la chorale, je rencontre parfois des amis.
Je m’étais pourtant promis il y a un mois de recommencer à marcher, à promener, comme le suggérait un médecin du XIXe siècle, mon chien, même si je n’en possède pas. Marcher dehors, c’est respirer le ciel, fut-il exsangue d’oxygène, ça demeure le ciel.
Nous oublions trop facilement, je crois, l’importance de nos rituels, quels qu’ils soient. Prendre conscience et acte de ce que nous faisons, pensons, ressentons est le premier devoir du vivant humain. Prendre conscience tout bonnement de sa respiration, heure après heure, nous rappellera paisiblement et de manière quasi spirituelle la puissance de notre existence, de notre vie, qu’elle qu’en soit la nature et même qu’elle qu’en soit l’importance.
Ne nous disons-nous pas trop souvent que notre vie ne vaut pas grand-chose ? Qu’en savons-nous si nous la tenons toujours pour morte dans notre esprit ? Notre place sur Terre ne vaut peut-être pas qu’on s’y attarde. Cependant, nous faisons partie d’une espèce qui, elle, prend beaucoup, beaucoup de place. Il est de notre devoir d’y participer, d’y jouir et d’y apporter notre grain de sel, celui qui donne tant de goût à nos rêves. Et puis, il est faux d’affirmer que nous ne sommes rien. Nous sommes, et il est déjà grandiose de pouvoir s’en étonner.