Aujourd’hui, bien que je me sois activé, entre autres aux affaires domestiques, je me suis reposé. Repasser des chemises, ça tue son homme d’autant que depuis trois jours, je souffrais d’une angine qui m’a empêché de dormir parce que j’hypersalivais et qu’au bout d’un certain moment, je m’étouffais dans mon eau. Essayer de déglutir, de manger, de boire, de prendre ne serait-ce qu’une goutte d’alcool coupe instantanément l’appétit.
J’ai perdu 2,5 kilos, me suis drogué aux capsules Buckley, aux antiacides, enduit de Vicks à en stériliser l’atmosphère, pris trois bains avec huile essentielle d’eucalyptus. Au dernier bain, j’ai exagéré sur la dose. La mousse, aussi à l’eucalyptus (fancy le gars), me brulait les jambes et les testicules.
Pauvre petit moi.
Je suis sorti du bain, pris une douche pour chasser le malaise et puis, debout devant le grand miroir du corridor en face de la salle de bain (je n’ai toujours pas de porte à celle-ci), nu comme un ver malade, j’ai repris d’anciens exercices de yoga appris il y a bien une quinzaine d’années et qui me sont toujours restés à la mémoire.
Faire un U avec les bras, plier légèrement les jambes et incliner le dos en maintenant le derrière bien en évidence jusqu’à atteindre avec les mains, le plus lentement possible et le plus élégamment du monde, le sol. Puis remonter en courbant l’échine de manière concave, toujours le derrière en rut, revenir à la position initiale. Trois, quatre fois. À la cinquième, tout penché, le goût de vomir. Moi de me précipiter au lavabo et de cracher une grosse quantité de glaire translucide.
Heureusement, pas de sang, pas de couleur, que du méchant liquide épais. Recommençons pour voir. Même sensation, même burp. Après une dizaine de fois, je n’avais plus rien à évacuer, même si j’avais toujours mal à la gorge. Allez hop, deux autres Buckley, c’était l’heure de dormit, en me disant que la drogue, ça suffisait et qu’il faudrait bien que j’aille consulter.
Je me suis réveillé à 4 h du matin en réalisant que la douleur était partie. Le yoga ou le cours normal de la maladie ? Sûrement pas les Buckley qui ne servent qu’à atténuer la douleur et à vous rendre la vie plus facile, sort of.
À 8h, je me suis levé et entrepris ma journée habituelle du dimanche, en solitaire. Ai corrigé, en bon obsédé du code, quelques trucs au projet d’un client. Puis, les chemises, un somme de deux heures, précédé d’une courte discussion avec un ami brésilien qui dit craindre le pire pour son pays avec la montée du despote.
Les peuples ont soif, on dirait, de mains lourdes sur leur destin. Je ne comprends pas cela. Je ne comprends pas cette ignorance qui perdure. J’ai dit à mon ami qu’une nouvelle employée arrivait à ma compagnie et qu’elle sera assise au bureau à côté du mien. Je sais qu’elle a vingt-huit ans et qu’elle est Brésilienne.
Ce pays me colle à la peau, on dirait. Je pourrai sans doute pratiquer le peu de portugais que je connais avec elle. J’ai le fantasme de finir mes jours, désargenté mais près d’une plage brésilienne à tirer le tarot ou les cartes du ciel aux touristes, comme je l’ai écrit dans mon dernier roman.
Dimanche après-midi, donc, dans le confort de mon lit, à regarder la lumière d’un automne qui montre finalement ses couleurs. Étrange monde aux mélanges si abrupts de couleurs, de douleurs et de merveilles.