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Et souviens-toi encore que chacun ne vit que le présent

30 septembre 2018

Les feuilles ne semblent pas prêtes de se ternir. Pourtant, à la fin de septembre, elles devraient déjà pressentir la fin. Il y a de ces automnes sans fard et il se peut que celui-ci soit l’un d’eux. Les ramures bruniront et seront dégarnies par un ou deux coups de vent. Le lendemain, il neigera et nous n’aurons pas encore nos bottes à nos pieds.

Suis-je toutefois simplement impatient d’en finir avec cet été vinaigré à la sauce américaine ? Le temps politique est d’un gris… Même les irréductibles Québécois font dans la bondieuserie et le clientélisme.

C’est l’automne de mes cinquante-neuf ans. Le gouvernement m’a rappelé récemment dans une lettre combien j’aurai à ma retraite. À moins d’un miracle, je serai miséreux. Entendons-nous bien, la misère, ça se discute. Je sais vivre de peu. J’ai longtemps vécu à crédit, mais ce n’est plus le cas malgré les obstinés appels des sirènes.

Je m’occupe de respecter ma lumière, de reconnaître celle des autres. Je suis prêt à renoncer à tout tant et aussi longtemps que l’équilibre entre la nausée et l’appétit survivra. Rappelons-nous Marc Aurèle :

Et souviens-toi encore que chacun ne vit que le présent, cet infiniment petit. Le reste, ou bien est déjà vécu, ou bien est incertain. Minime est donc l’instant que chacun vit, minime le coin où il le vit, minime aussi la plus longue gloire posthume. Et encore celle-ci n’existe-t-elle que par une succession de petits hommes, qui mourront à peine nés, qui ne se connaissent pas eux-mêmes, ni encore moins l’homme mort depuis longtemps.

Comme rien ne change dans ce monde labyrinthique ! Ce qui a été écrit il y a 1600 ans déjà avait été dit aussi il y a encore plus longtemps. Avons-nous fait des progrès de ce côté ? Je ne saurais juger. Je suis humblement ignorant.

Encore ceci de Marc Aurèle, ce « bon » César (tout est relatif, il égorgeait tout de même des esclaves) :

On se cherche des retraites à la campagne, au bord de la mer, à la montagne ; et toi aussi, tu as coutume de désirer ces sortes de choses au plus haut point. Mais tout cela marque une grande simplicité d’esprit, car on peut, à toute heure de son choix, se retirer en soi-même. Nulle part on ne trouve de retraite plus paisible, plus exempte de tracas, que dans son âme, surtout quand elle renferme de ces biens sur lesquels il suffit de se pencher pour recouvrer aussitôt toute son aise ; et par aise, je ne veux dire autre chose que l’état d’une âme bien ordonnée.

Vite ma lampe de poche, je cherche mon trésor intérieur.