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Fiévreuses vérités

9 mars 2012

Je ne me promène plus. Je m’en désole. Je suis encore submergé par de petites et de grandes tâches. Le printemps n’en poursuit pas moins son avancée hâtive sur Montréal. Nous n’avons pas eu, pour ainsi dire, d’hiver ici. Tout juste me suis-je servi de la pelle pour dégager les escaliers. Heureusement, nous n’avons pas subi non plus des pluies interminables même si le ciel fut plus gris, il me semble, qu’à son habitude durant pareille saison.

Quelqu’un me demandait, hier, comme ça allait. Eh bien, ça va bien. Un autre m’invitait, l’autre jour, à aller prendre un café, cachant à peine sa timidité et ses intentions. « Comment vont les amours ? » avait-il lancé. J’ai souri. Les amours vont très bien, mais tu n’en sauras malheureusement rien. Je ne parle pas de ces choses, car peu de gens les comprendraient et ça ne se dit pas vraiment.

À lire quelques remarques de mon ancien éditeur sur le manuscrit annoté des Mailles sanguines, à repenser à ce que monsieur L. des éditions B. a inscrit aussi dans sa lettre curieusement floue mais encourageante, puis à relire ce qui agace ou choque dans ce que j’ai pu écrire dans mon texte, je me rends compte que la vérité n’est pas la meilleure aillée de la littérature, elle n’est pas non plus l’amie de ces promenades publiques. Nous sommes des gens vulgaires. Hier encore, durant cette journée de la femme, une amie s’est moquée vertement d’une autre en suggérant qu’elle devait avoir ses règles. Entre amis, on peut faire ce genre de blagues, ça ne sort pas du cercle. Entre amants, on peut se gaver de passion, pourvu que, une fois le repas du lit terminé, on se lave et on se rhabille.

Il semble en être ainsi autant des petites que des grandes réalités. Ça se passe toujours ailleurs et différemment de ce qui est raconté.

La vérité se murmure comme piaffent les volcans endormis. Et la tête humaine s’enivre de ces souffres invisibles. Parés comme des anciens Romains, affublés de perruques, contrits dans nos armures veston-cravate, nos voiles parfums-déodorants, nous tentons de vivre noblement. Mais lorsque les invités sont trop éméchés pour cacher ce gras qui étouffe leurs viscères, nos tablées ressortent leurs habits nus et telluriques.

Je souris quand, à la télé, on avertit que les images qui suivront pourraient choquer les âmes sensibles. Sensibles, vraiment ? Allons donc. Nous connaissons trop bien ce qui se trame dans nos veines pour s’offusquer de la bêtise humaine. Nous regrettons les exactions, les injustices, mais nous en saisissons également tous les mécanismes et nous ne voulons pas qu’elles se produisent dans notre cour. Nous faisons bêtement comme si.

La littérature, comme toujours, en placide Mercure, s’amuse de ce jeu. Jamais ne perdra-t-elle contenance et celui ou celle qui la maîtrise pourra s’enorgueillir d’avoir atteint la cime des illusions et des mensonges. Le masque est beau et roi, et comme il est splendide dans toutes ses grammaires, lexiques et syntaxes psychorigides.