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Friable

7 mars 2015

Fugace, fragile, friable, étonnants mots commençant et se terminant tous par la même lettre. Friable est celui que je retiens. Nos vies de falaises, canyons ou dunes, n’échappent pas à l’insatiable friction du devenir. Que dire alors de nos gloires éphémères. C’est en s’assoyant contre le mur de sa conscience, les jambes croisées, les bras déposés sur les genoux, la tête morte sur son cou, les yeux dépourvus de regard, c’est en respirant l’air neutre du on-ne-sait-quoi qui nous enveloppe qu’on arrive à goûter à ce grain dur, petit, détaché du reste, ce reste, ces certitudes qui s’empressent de se cimenter les unes aux autres comme si elles pressentaient déjà le sort qu’il leur est réservé. À force de respirer ainsi, on parvient à rouler sur sa langue ce petit morceau de roc qui plonge aussitôt dans la gorge. Un rien, le temps qui passe, la beauté du passage, ce que j’arrive à saisir pendant une fraction de seconde et qui, comme si je mourrais éternellement, se fatigue déjà dans le néant, se dissout.

J’obtiens ainsi la paix nécessaire, mais il y a combat, désir, anxiétés. Ce qui s’offre aux sens et aux pensées possède le charme du luxe, l’enivrement des promesses. J’accepte d’emblée, je ne mets aucun frein à ce qui pourrait me nourrir.

Mais je ne veux pas oublier ce mot. Friable. J’entends la neige compacte du glacier grincer et frissonner. J’entends sans comprendre. L’ignorance est si pure, si souriante, confortablement logée dans les bras de la sagesse.

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(photo Pierre Laroche)