Je me suis assoupi deux heures cet après-midi pour me réveiller en sursaut, vanné. En retournant à mon bureau, je reçois des courriels de clients. J’ai oublié de faire ceci, il y a des problèmes là, je dois me remettre à la tâche. Par la suite, je plonge dans le métro pour me diriger vers mon cours de chant.
Ce moment, avec mon professeur, passe trop vite. Bien que je progresse, je sens tout le travail, que dis-je, tout l’effort constant qu’il faudra donner pour espérer évoluer. Le chant est libérateur, il me renseigne sur l’état de mon corps, comment il vibre, comment il réagit au moindre stress. Je n’ai plus vingt ans, cela se ressent par la tension que j’apporte à trop vouloir bien faire, à réussir, car il s’agit, bien sûr, de performance et de réussite. Je tends constamment vers ce but sans pour autant comprendre ce qui m’anime.
Alors que je pourrais ne rien faire, ne rien être. Je pourrais tout laisser tomber. Je sais que, pour vivre, il faut combattre. Je le fais que trop naturellement. Il y a cette braise impatiente qui cherche à tout enflammer. Mon professeur m’a cependant fait littéralement respirer par le nez aujourd’hui. Je prends trop d’air en ce moment. Fermer la bouche avant de chanter, inspirer par les narines provoque un travail plus naturel du diaphragme et favorise l’intériorisation. Chanter est d’abord et avant tout l’expression de soi.
Il en va aussi de l’écriture, de la photographie dont on me presse de recommencer.
Je dois tout repenser, respirer par le nez, moins chercher cet air, car il est là, pour me redire que je pourrais n’être rien, que je serai, de toute façon, un jour ou l’autre, ce rien, ce silence. Je chante, je travaille, j’essaie d’aimer en étant profondément religieux. C’est difficile, car je ne veux pas bêtement croire. Je ne suis pas de ces innocents aux mains pleines. Je suis coupable de toutes les intentions et les sensations.
C’est un grand paradoxe. Tout va de soi, il me semble, tout est logique, je comprends, je ne proteste pas. Or, ce qui devrait m’apaiser m’enflamme. Je m’accroche à la jeunesse du temps présent, jamais perdu, mais jamais trouvé. Une porte semble apparaître dans le mur de mon ignorance. J’entends geindre ses gonds.