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Demander à Germaine

21 novembre 2012

Pourquoi ne demande-tu pas à Germaine ?

— Pardon ?

Ma sœur Marie me sourit.

— Oui, demande à Germaine !

Cela me prend quelques instants à comprendre le sens de sa proposition. Nous discutions de mon attente par rapport aux Mailles sanguines. J’expliquais à ma sœur que je commençais à faire le deuil d’une éventuelle publication par un éditeur.

— Moi, je lui parle souvent... renchérit-elle.

Je ne savais quoi lui répondre. Bien qu’il me soit arrivé de demander à la Lune de m’aider (eh oui, la pleine lune, vous savez, quand elle est si belle au-dessus de votre tête et semblant attendre que vous entamiez la conversation...), bien que je regarde d’un air pseudo détaché les entrelacs de ma carte du ciel, il ne m’est jamais venu à l’idée d’aborder un saint, un dieu, ou... ma grand-mère, mes ancêtres.

Pourtant, je sais la pratique très courante. Je connais une gentille Mexicaine qui, même à Montréal, érige des autels en respect pour les morts. Le culte de l’ancêtre est très répandu. Je comprends très bien le réflexe, aussi vieux que l’espoir, qui consiste à se soumettre à son destin afin que le vent tourne en sa faveur.

Alors, pourquoi ne demanderais-je pas à Germaine ?

Je n’avais rien d’intelligent à répondre à ma sœur, certainement pas quelque chose de scientifique en tout cas. J’aurais pu rétorquer que Germaine et moi n’étions pas les meilleurs copains du monde, que je ne l’ai pour ainsi dire que très peu fréquentée. Je ne voudrais donc pas abuser. Elle a sûrement à satisfaire des gens qui auront été plus gentils avec elle...

Et puis, je suis le premier à l’affirmer : aide-toi et le ciel (ou Germaine) t’aidera.

Mais voilà, il me semble que j’ai tout fait en mon possible pour m’aider, et que rien ne vient. Tiens, on pourrait mettre ça sur la faute de Mercure qui est actuellement rétrograde (pas le temps de brasser des affaires), au Salon du livre qui aura tenu occupés tous les éditeurs...

Non, ce n’est pas une idée de demander à Germaine. Faudrait qu’elle commence par m’entendre, si elle en est capable (elle est morte, après tout). Et puis, je pourrais aussi demander à Antoinette, ou à Hector (mes grands-parents maternels). Je ne pense même pas à Lucien (mon grand-père paternel) que je n’ai guère connu.

Il m’arrive parfois de joindre mes mains, quand je me laisse bercer par l’eau de la douche. Je me sens alors près d’un invisible Gange. J’attends que daigne souffler sur moi l’haleine sucrée d’une espérance. Lancer une prière au ciel, jeter une bouteille à la mer, s’attarder sur un nuage à l’immobilité symbolique, tout cela peut fonctionner, car on sait si peu de choses sur l’Inconnu.

Je me suis contenté de sourire à Marie. Notre conversation emprunta d’autres chemins. Le sujet était clos.

Pourtant, depuis deux jours, je pense à Germaine et à la suggestion de ma sœur.

Je n’ai rien à perdre... Mercure redevient direct bientôt...

On fait comment ?

Germaine ? T’es là ?