En janvier dernier, un billet sur le chant, puis plus rien sur ce thème. Je me fais frugal en tout, m’interroge silencieusement sur le sens de faire autant ceci que cela. 2017 me réserve ses surprises. J’ai, dans un premier temps, réglé mes problèmes financiers par un grand coup de balai. Résultat, je suis plus pauvre pour un temps, mais libre de recommencer. Sur la même lancée, mon travail change au sein de la compagnie. Je prendrai du galon, j’abandonne en retour la programmation qui a souvent fait pour moi office d’un passe-temps payant, d’un oubli de soi qui a mis de la cannelle dans mon gruau. On pourra dire que j’atteins un niveau supérieur d’incompétence. Ce serait simplifier l’intangible.
Toujours en 2017, qui n’en est qu’à son petit âge adulte, un peu frisquet tout de même pour un pubère, j’ai fait partie d’un petit groupe vocal, lui-même en train de naître. J’ai trouvé l’exercice difficile, car j’étais le seul ténor aux prises avec des partitions un peu trop découvertes pour ma voix apprentie.
En 2017 aussi, je ressens encore et peut-être encore plus une grande fatigue de l’âme. Tout me réussit tout de même cette année, mais l’entrain est économe. Je demeure vautré dans mon lit des week-ends durant, les rénovations que je ne peux encore payer se font attendre. Je fais le strict minimum.
J’exerce, pour ainsi dire, mon droit au détachement. Cela me rappelle un article lu récemment sur les aspects sombres de la méditation. Il faut être fort et surtout équilibré pour marcher sur le fil ténu, raide et sans pitié de la prise de conscience. Il faut être fou et encore plus déséquilibré pour s’enivrer de doutes, se faire violence pour fermer sa gueule et avaler les couleuvres de ses péchés et de son passé. Il faut être vivant pour vouloir continuer.
C’est ainsi que je persiste à dire que je persiste. Au final, il en résulte ce bonheur auquel il faut faire place dans son cœur. Je persiste ainsi à chanter. Les exercices actuels ne sont pas faciles. C’est normal, plus on progresse, plus la montée est ardue. On ne vainc pas l’Everest avec une simple pioche. On se demande bien d’ailleurs pourquoi je continue. Je répondrai par un pourquoi pas proche du contre-ut, que j’arrive maintenant à atteindre.
J’avoue qu’à écouter tel ou tel chanteur s’élancer sur des airs que j’apprends, je me demande si, un jour, je parviendrai à cette élégance. Ma voix me paraît si peureuse ou, peut-être devrais-je dire que je n’ai pas encore trouvé là où elle devrait s’exprimer. J’ai très peu décrit depuis ces années les processus mental et physique que mon professeur tente d’ancrer en moi. Il y va aussi, j’en suis sûr, parfois à tâtons. Il arrive, certes, à libérer cette voix, et à me libérer du même coup. Je semble revenir de très loin.
La plus grande découverte de ce parcours est le redressement de la colonne et de la pensée. Chanter ne tolère aucune crispation, aucune retenue. Autant pour le chant doux que le chant tonitruant, le corps est planté au même endroit, les jambes en racines dans une terre virtuelle, la tête tout en feuilles et la voix est une sève montant par capillarité. Cela semble si difficile d’expliquer, cela semble si peu naturel et incongru.
Pourtant, chercher à construire sa voix est voué à l’échec. Le son du corps est notre vérité. On peut le moduler, le polir, mais il devra demeurer naturel. Curieux, non? La voix si travaillée des chanteurs classiques n’est pas autre chose que la cassation des préjugés et des peurs.
Voilà sans doute pourquoi je persiste. Pour bien mourir heureux, il faut être libre. Le chant, c’est actuellement ma santé, ma solitude, mon émotion que j’ai l’honneur et l’orgueil de partager.