J’avance, certes. J’en suis moins certain lorsqu’arrive la nuit et que je m’astreins à me coucher. Si je ferme trop vite les yeux, mon corps et mon cœur se disputent les derniers instants de conscience. J’ai sans doute trop mangé ce soir et l’estomac commence déjà à faire des siennes. Je ne veux pas me plaindre, il n’y a aucune raison. Nous ne sommes, disent les bouddhistes, que ce que nous pensons. Et ces pensées s’incarnent en actions et en circonstances.
Tout cela pour dire que je n’avance, finalement, qu’à tâtons, sans y penser, juste à le faire. Mon silence vaut sans doute davantage que tout l’or de mes attentes. J’agis, je ferme les yeux, je plonge. Rien ne se passe tout de suite, comme si mes actes étaient des semences prêtes à bondir vers le ciel, et pourtant retenues par une interminable saison froide. J’avance et continue à tendre l’oreille.
D’un côté, le travail semble reprendre, d’un autre, les dettes s’accumulent. Côté cour, un ami rédacteur m’offre de revoir Les Mailles sanguines. Côté jardin, l’éditeur mystère, dont je ne peux dévoiler le nom, ne donne pas signe de vie. J’aurai sans doute à prendre des décisions tôt ou tard, mais ce n’est pas encore le moment, pas la saison. Quand il y aura printemps, je jugerai de la terre et du jardin.
Entretemps, j’avance, vis. Comme une mélodie qu’il faut maîtriser.