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Je suis un astrolabe

19 janvier 2022

Je suis fait de symboles. Le soleil au moment de ma naissance, en hiver, annonçait, diront les magiciens, que je naviguerais au bord des falaises, peu interpellé par les sirènes, plutôt solitaire et enchaîné à un mât rocheux sur un bateau de fortune comme un vieux poète ne sachant pas gouverner.

Vénus, perchée très haut dans le ciel, s’est penchée sur mon berceau et m’a donné une voix, une douceur enflammée, un désir de tout connaître par les sens. Mercure, endormi dans ses eaux, a usurpé le trône solaire, tire les ficelles. Je possède les images, les drogues cérébrales d’un moine jonquille. Saturne en Capricorne, c’est du sérieux. Jupiter en Sagittaire, accompagné de la Lune, c’est de l’enflure, des marées exploratrices. Mars en Gémeaux me rend marionnette, touche-à-tout et Pluton, ô le Mystérieux, me rend volcaniquement attiré par les yeux profonds de certains humains. Je sais écouter, je sais guérir, je sais être triste, parfois heureux.

Je suis fait du mouvement des planètes. Nous le sommes tous, chacun possédant, malgré ce qu’en rient les savants, une mélodie qu’il nous est libre de chanter ou pas. On gouverne son destin comme on navigue sur un océan de possibilités et d’aléatoire. On ne peut le faire avec ce libre arbitre qui nous laisse croire que les petites, grandes forces de l’univers n’ont aucun effet sur nous. On doit écouter la géométrie du passé, la forme des étoiles et du ciel. La réalité, vide et pleine, est vaste autant à l’intérieur qu’à l’extérieur de nous. Nos atomes et nos quarks auraient voyagé dans le cœur de quelques étoiles et plasmas. Notre âme, notre voix intérieure, replongerait inlassablement dans la soupe des champs ancestraux. Qui sait?

Plus on s’approche de la connaissance, plus minces sont nos ailes qui fondent à vue d’œil. Plus on découvre, plus on est perdu et émerveillé. Plus je vieillis, moins je combats. Je laisse grandes ouvertes les vannes de mon existence. J’ai à la fois peur et courage, suis triste et serein.

Quelqu’un peut-être m’appelle, un destin me tend sans doute ses bras. Or, mon corps semble toujours s’aveugler de promesses trop jeunes. Je suis tissé aux inébranlables archétypes qui sculptent tant Saturne, Neptune, Pluton que mon père et ma mère.

Il neige en ce moment. Un air du nouvel âge remplit la pièce de son humidité incertaine. Nos symboles sont notre orchestre, ils continuent de transiter autour de nous. Je suis le chant de ma naissance et mon devoir est de l’apprendre par cœur, de le chanter sur tous les tons et modalités possibles jusqu’à la fin pour ensuite laisser la composition à un autre marin. Le grand sommeil sera un jour sur moi. Est-ce de l’angoisse ou de la paix?