J’ai repris mon parcours pédestre vers le travail. Les pluies glaçantes n’ont pas fait trop de dégâts sur les trottoirs d’autant que la voirie a fait son travail à temps. Il fait froid, il vente quand même un peu. Heureusement, puisque mon trajet se fait du nord au sud, l’air frais d’ouest est bloqué par la forte barricade des maisons.
Quand il fait beau, le bleu du ciel d’hiver n’a pas son pareil. Il respire presque la santé. Là s’arrêtera la comparaison, car le smog n’est pas loin, la suie des déjections automobiles de l’autoroute métropolitaine n’est pas la manne promise, plutôt un rappel que l’enfer n’est jamais très loin.
La quiétude de mes pas est là. La neige est de cristal, se plaint, comme les ressorts d’un vieux matelas, j’écoute et retourne à mes pensées, mon corps se réchauffant peu à peu à l’effort de la marche, mes poumons gobant la fraîcheur du matin.
À la toute fin de mon parcours, je dois emprunter Saint-Laurent, qui ne possède pas de maisons à cet endroit, sur son côté ouest. La plaine du parc Jarry laisse libre cours au vent. Mais je suis bien réchauffé maintenant et l’air froid ne me fait plus rien. Et puis, il y a ce soleil qui s’invite dans le jour.
Il est là, bien sûr, tous les matins quand les nuages veulent bien nous laisser tranquilles. En observant son intensité gravée sur la neige autour des ombres des arbres et au fond des petits vallons de neige, et en ressentant aussi sa lointaine chaleur, ce matin-là, je fus pris d’un étonnement tranquille, à admirer encore et encore cet astre pour ce qu’il est.
Pensons-y bien, à je ne sais plus combien de kilomètres d’ici, quelque chose comme à 8 minutes à la vitesse de la lumière, il y a une étoile, une de celles qui tapissent la nuit. Ce n’est certes pas la plus grande, et probablement pas la plus spectaculaire. C’est tout de même par là que tout commence. C’est gros, une étoile, c’est dangereux, ça aveugle, ça brûle, ça se moque des champignons nucléaires.Nous, pauvres bêtes humaines, nous la tenons vraiment pour acquise, tout comme la lune, l’air que nous respirons, notre existence même.
Donc, ce matin-là, je me suis arrêté, j’ai pris une photo. Quelques passants m’ont dépassé, ne regardant même pas ce que je prenais ainsi en souvenir. J’aurais pu prier si j’avais pu retrouver dans mon âme atavique les anciennes célébrations.
Qu’en faisons-nous de cet étonnement des premiers primates quand, soudain, ils se sont mis à moins subir le monde et à le voir? Qu’avons-nous oublié durant tout ce parcours évolutif? Des dieux illusoires, certes, sans pour autant nous être débarrassés de l’angoisse et de la soif de connaître? Pourtant, à nous observer fixer les nouvelles étoiles que sont nos téléphones supposément intelligents, je me demande pourquoi nous ne regardons pas plus souvent la première lumière, ce soleil.
Peut-être parce qu’il ressemble peut-être trop à un dieu, justement, celui qui ne nous a jamais répondu. Mais nos bidules facebookiens et instagrammériens, ils nous écoutent davantage?