Je ne sais ce que fomente mon esprit. Ma cervelle, comme toutes les autres, est une éponge gélatineuse peuplée de méandres et de mangroves à l’intérieur desquels les rêves s’entredéchirent dans une lutte atavique.
Je ne sais si je suis mû par des ficelles ou par des habitudes trop anciennes pour pouvoir les comprendre. Mes pensées me semblent à la fois aléatoires et automatiques, marionnettes ou marionnettistes.
Neptune est de passage dans le cercle céleste de ma naissance. Il nourrit, ennoie mon Mercure natal pour quelques mois encore. Mon thème astral est la seule carte dont je connais les routes, mais je ne connais aucune destination. Mon existence est une fractale parmi tant d’autres, une goutte d’eau qui n’en est plus une dans un océan qui l’indiffère. Les moines de l’Est acquiescent en silence. Les philosophes de l’Ouest soulèvent un sourcil pour ne plus le redescendre.
Je dois me discipliner pour demeurer éveillé, seule ma conscience peut vraiment me distraire. Le reste, ce qui mes sens captent et boivent, forme un spectacle scellant mes paroles.
J’aimerais comprendre la route chevaleresque et karmique de mon passé; j’aimerais pouvoir en faire une histoire et en être fier, nourri et contenté. Mais je ne sais ce qui s’agglutine dans mes pensées. Je reste là à écouter les fantômes et les sensations. On me dit qu’il me faut les oublier. Je ne suis pas pressé. Il n’y a aucune urgence puisque le film de notre vie ne fait pas le poids devant la mathématique absconse de la réalité toute entière.
Je mesure mon bonheur. Il ne remplit pas un verre. Voilà pourquoi, chaque fois que je le porte à mes lèvres, je me refuse à le boire, heureux déjà d’en goûter ainsi la promesse.