en

La vie que je croise

12 juin 2012

Pour me rendre à ma cuisine, je passe invariablement devant la porte arrière, qui donne sur la ruelle et, comme on s’y attend, chez les voisins. Invariablement, je jette un regard, espionne. Il y a de nouveaux étudiants, au deuxième, un couple gai sans doute, il y a les voisins du rez-de-chaussée avec leur fils qui, de grassouillet est devenu un jeune homme qui roule ses biceps. L’été, il est généralement en bobettes et affiche ses nouvelles armes. Il y a l’autre voisine que je vois rarement, une vieille fille, je crois, dont la cour reste péniblement déserte (alors que chez la famille du garçon en bouette, c’est généralement le bric-à-brac permanent). Parfois, cette dame s’assoit au milieu de son asphalte, sur une chaise longue, un livre à la main. Mais cela ne dure pas longtemps, comme si la liberté de ne rien faire n’était pas pour elle. Il y a également ces autres avec leurs chiens immenses qui font peur à qui s’aventure dans la ruelle. Enfin, il y a cette dame, traînant son veuvage par ennui et qui balaie, saison après saison, été comme hiver, sa cour, et qui héberge dans sa cave des étudiants qui arrivent tôt le matin, avec leurs oreillers sous le bras, qu’une mère vient reconduire parce qu’elle doit vraisemblablement aller au travail.

Je n’ai pas encore parlé du jeune couple qui est parti l’an dernier. Un beau petit punk avec, dans ses bras, un joli bambin. Et je n’ai pas parlé de mes voisins latéraux, tous plus divers que bicolores. Je ne connais personne, leur fait signe parfois, de la tête, pour leur souhaiter le bonjour, mais là s’arrête la connaissance de l’autre.

Je ne désire pas non plus les connaître, et eux n’ont sûrement rien à cirer de me voir toujours à la maison.

Ah, c’est vrai, j’ai oublié de parler de cet autre voisin qui baise, si je compte bien, baise plus d’une fille (ils sont trois dans l’appartement, mais cela semble fluctuer). Je les vois souvent nus en train de s’exciter. Ils ont au moins la décence de fermer la lumière quand vient le temps de s’accoupler. M’enfin, leurs ébats ne m’intéressent pas, j’aurais mieux sur Internet.

Voilà la vie que je croise quand je vais à ma cuisine. Ce que j’en déduis est probablement tout faux, mais est-ce vraiment important ? Mon imagination fertile a besoin de ce terreau de possibilités.