Le froid s’invitant pour la nuit, et l’automne ayant beau nous farcir d’après-midis embaumés, les matins deviennent de plus en plus frais. Il faut maintenant se couvrir un peu, relever le col, craindre que le froid s’en prenne aux bronches. C’est le passage fragile de saison, quand tout se dérègle et que les récurrentes habitudes doivent s’extraire de leur hibernation.
Toujours cette belle lumière. Les gens se le répètent volontiers, les journées sont belles, voire reposantes. Donald et Hilary se crêpent le chignon, les ouragans dévastent les îles, mais le Québec ronronne de couleurs. On pourrait penser qu’il est en paix, quoiqu’il s’agisse d’une évidente illusion.
Les feuilles, déjà au sol, rivalisent d’agonie. La photosynthèse maintenant derrière elles, elles meurent les unes après les autres, ivres de sucs.
Mon regard a peine à toutes les observer, s’en lasse et mes pieds les foulent sans vergogne. Elles ne sont pas toutes égales devant la mort, certains arbres ne sont pas aussi artistes que d’autres, plus habiles à se dévêtir. On souhaiterait vraiment mourir ainsi, d’une belle mort, jamais prématurée, toujours dans la saison. Et surtout dans ce silence des quartiers résidentiels.
Il s’agit quasi d’un luxe quand on a vent des horreurs qui se trament ailleurs sur la planète. On a presque envie de s’excuser de se déclarer heureux, à tout le moins de se mentir à ce bonheur saisonnier, puisque les drames ne sont pas si loin non plus de soi, probablement dans ces mêmes maisons baignées par cet automne si doux. Je le sais trop bien, la vie n’est qu’un mélange automnal de vie et de décadence, un constant et normal, lent, brassage du temps. Les drames, les malaises et aussi le confort sont partout, dans mon âme, dans nos silences, ces non-dits, ces brouillards qui habitent l’espace entre les mots et les conversations.
On dit souvent « si les murs pouvaient parler ». J’ajouterais : « si tout ce que l’on tait se montrait au grand jour, quel genre de saison vivrions-nous ? »