en

Le pouvoir de mes aïeux

21 septembre 2013

Il y va habituellement des jours comme d’une rivière, jamais la même eau, toujours le même parcours. Il y va des prières comme d’une comète, nombreuses à graviter, rares à rencontrer nos destins.

J’ai appelé cette comète. J’ai tendu l’oreille vers les augures. On me prédisait renaissance et découverte. J’ai levé la tête vers le ciel nocturne. La pleine lune bientôt. J’ai gonflé d’espoir mes poumons. Marée infime, la mienne, celle de ma volonté.

Toute cette poésie pour dire que j’ai un job.

À peine deux jours après avoir écrit mon billet «Donnez-moi de la job», je recevais coup sur coup deux appels d’employeurs potentiels. La semaine suivante, je passais une entrevue. Le lendemain, on m’offrait un poste. J’ai accepté.

Alors le vertige. Les astres avaient donc raison, j’ai gonflé les poumons plus que la pleine lune l’exigeait, j’ai appelé tout mon monde, ai poussé un grand soupir de soulagement.

Ça, c’était la première secousse. La seconde fut de m’apercevoir de l’énormité du changement qui allait s’opérer, de penser aux conséquences de cette décision sur les habitudes, tant les miennes que celles de mon entourage et, cerise trop rouge sur un riche sundae, de comprendre qu’il me fallait abandonner ma petite, mais fidèle clientèle. Ils comptaient sur moi en quelque sorte. Mais à l’impossible, nul n’est tenu… ils l’ont bien compris.

M’apercevoir que, malgré les problèmes, il y avait tout de même un relatif confort à être son propre patron. Cela, je l’ai balayé en une fraction de seconde, en acceptant ce poste chez Spiria. L’endroit paraît sympa. De beaux bureaux, des gens avenants, un emploi taillé à ma mesure, emploi que je ne pensais pas, très honnêtement à obtenir.

Au sortir de l’entrevue, j’avais levé les yeux vers le bleu ciel automnal au-dessus de la rue Clark. J’ai invoqué non pas les planètes, mais la mémoire d’Hector, Antoinette, Lucien et Germaine, mes aïeux. Je ne sais s’ils ont, même virtuellement, des pouvoirs. Je m’en suis simplement remis à eux en leur disant que j’aimerais bien avoir le poste. Ça me plaisait, mais que si je n’en suis pas digne, eh bien, je comprendrais, va.

Je ne leur avais rien promis, mais il faudrait peut-être que j’aille déposer des fleurs sur leur tombe. Ils sont, tous les quatre, pas très loin l’un de l’autre, Lucien avec Germaine, Hector avec Antoinette, dans un cimetière à flanc de colline, à Arthabaska. Faudra louer une automobile, mais pas tout de suite, j’ai un budget à faire. Tiens, je pourrais leur demander s’ils pouvaient rouler les boules du 6/49 en ma faveur. C’est trop demander ?

Il faut que la poussière retombe, il me faut emprunter un autre fleuve. Je suis heureux du changement. Antoinette, Hector, Lucien, Germaine, ne restez pas loin s’il vous plaît et, tant qu’à implorer, pouvez-vous faire quelque chose pour sauver la planète ?

Merci, l’humanité vous le rendra.