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Les illusions

21 octobre 2011

L’écriture du dernier chapitre se fait lentement. En même temps, la charge du travail, celui qui m’aide à mettre du beurre sur mon pain, qui m’aide aussi à acheter ce pain, augmente, de nouvelles responsabilités surviennent, des négociations s’éternisent (mais de manière constructive) avec une banque, ma grand-mère, âgée de presque cent ans, se sent fatiguée, est à l’hôpital.

J’envie les écrivains qui peuvent profiter du luxe de la solitude rémunérée, j’envie ceux qui déclarent être libres. Je le suis, certes, autrement, en moi surtout, et la lenteur d’écriture n’est pas réellement une valse hésitation. Chaque chose en son temps, disent les sages; on ne peut contredire ça même s’il faut parfois insister pour aller vers cet avant qui n’avance qu’à petits pas rythmés, hors des mélodies habituelles ou plutôt, tentant de suivre en même temps trois ou quatre chansonnettes diffusées simultanément.

On me demande souvent si je prends, de temps en temps, des vacances (ou de la drogue). Rarement (et jamais pour la drogue, pas besoin de ça, la drogue, ce n’est que pour les infirmes et les souffrants. Je bois certes du vin, mais mon médecin m’enjoint d’arrêter, mon foie ne semble pas trop apprécier même si je n’abuse pas). J’ai habité longtemps avec un gars qui fumait son joint, il le fume probablement encore. Je n’ai jamais apprécié cette fumée dans mes poumons déjà à l’étroit. Mon esprit est naturellement distrait, poétiquement sur un high and low. Cela me cause parfois des problèmes inattendus et j’en suis le premier attristé ou blessé, comme si ma naïveté première ne s’était pas résolue à grandir. Ainsi, je suis surpris de la méchanceté ou des éclats, des écarts agressifs, soit envers moi, soit contre une situation donnée.

Je ne suis certes pas un ange, suis cependant d’un naturel trop doux avec une tendance aux ulcères. Être riche et célèbre, je deviendrais un gentil mou bourgeois qui siroterait ses infusions de camomille.

Mais je dois gagner ma vie, je dois foncer, c’est comme ça que ça fonctionne dans cette jungle confortable de l’Occident. Je conserverai, toutefois le coeur et les yeux rivés aux illusions de mon esprit. Elles sont mes plus belles libertés.