Je ne sais comment traduire loose ends. Google Translate me donne extrémités libres, ce qui plus qu’approximatif. Les bouts lousses, ça ne fait pas très littéraire. Comme si, de la littérature, je pouvais y échafauder une quelconque certitude. Bouts lâches, c’est mieux, mais trompeur.
Je viens de relire le précédent texte datant de déjà trois mois. Je n’ai rien écrit ici depuis ce temps. Il s’agit bel et bien d’un mur. Ma vue ne voit que le ciment bien pris entre ces briques que sont les jours. Les choses vont toujours aussi bien et aussi mal. D’un côté la stabilité sociale, professionnelle, de l’autre l’insécurité du coeur, les événements bizarres, l’amour entre deux eaux, le roman qui s’en est retourné d’où il était arrivé, dans le silence de ce qui est accompli, les finances qui demeurent si précaires que je serai sans doute obligé de mettre en vente la maison en mars, les humains que j’observe de mon mauvais oeil, tantôt gentils, tantôt surprenants, qui se révèlent soit imbuvables soit trompeurs, mon ennui aussi, mon silence et mon chant.
Il en va ainsi de mes lacets, toujours défaits, un grand mystère pour moi. J’ai bientôt cinquante-sept ans et je ne parviens toujours pas à conserver mes lacets attachés. On peut y voir la nature même de mon existence, de ma présence sur cette planète. Prêt pour la marche, mais s’arrêtant souvent pour refaire ce qui a été défait.
Mon mur, donc. J’ai une masse dans les mains. Je me demande qui vaincra, le sort logique que mon destin me réserve ou ces bras qui veulent construire, reconstruire, toujours avancer, même s’ils doivent régulièrement stopper leur élan pour s’occuper des loose ends.
Mon mur, mon ennui. Je me dis depuis quelques jours que je suis un être ennuyant. Quand je reviens du bureau, j’ai tendance à continuer mon travail, à programmer et à éviter ainsi le réel, mes bouts lâches comme ces imbéciles qui, pour stopper l’effrondrement imminent de la digue ne trouvent pas mieux que de mettre leur doigt sur la crevasse plus grande que leur main.
Je ne sais trop quoi dire, inquiet, encore une fois à pleurnicher durant le temps de Noël, livré à ma solitude et à mes déceptions, devenu ours comme un moine, triste comme un adulte.
Fallait que ça sorte, c’est comme ça que le méchant sort.