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Les yeux fermés

7 octobre 2020

Je dors beaucoup. C’est sans doute à cause de l’automne, des vacances, de la fatigue accumulée, de la peau qui se colore de cratères vernaculaires, du vieillissement, de la fin d’un monde, le mien ou le nôtre.

Je suis souvent immobile. C’est sans doute pour les mêmes raisons et aussi parce que je ne sais ce qu’il faut faire maintenant. Il y a de ces jours et de ces nuits où j’ai le sentiment d’avoir fait le tour du jardin, que tout ce que je pouvais faire ou accomplir l’a été, qu’aucune fleur n’est à cueillir, que mes pas m’auront fait traverser les paysages et les voyages et que, sous eux, la Terre demeure la même.

Ma barque ondule sur un océan silencieux. Les yeux fermés, j’ausculte les étoiles plaquées contre la toile zodiacale de mes paupières. Peut-être suis-je moi aussi un astre qui éclaire le ciel vide de la réalité, une luciole qui cherche une compagne et qui risque tout, même de se faire dévorer, afin d’accomplir sa mission d’être un maillon de la chaîne.

Le temps, dit-on, n’est pas une flèche, mais tout de même une direction. Il s’étire si cela devient trop grave, s’essouffle si on ne fait attention à rien. Ne me reste-t-il plus maintenant qu’à attendre que les astres décident de quitter leurs positions rétrogrades ? Qu’ai-je à vivre, à comprendre ?

N’est-il pas inutile de se poser ces questions, car cela n’apporte aucun beurre sur notre pain ? Suis-je condamné à ne vivre que de l’alimentaire ? De faire semblant ? D’attendre, portes fermées, la montée d’un ultime ou possible soleil ?

Mes yeux fermés sont le spectacle d’un jour qui n’appartient qu’à moi. Mes yeux ouverts, des lunes qui cherchent à déplacer les marées.

Je dors beaucoup, je me réveille si peu. Encore est-il bon de l’écrire.