Dans notre quotidien affairé, notre esprit est aux gouvernes d’un univers distrayant et sollicitant. Il est ainsi heureux que, dans les étages inférieurs, l’on s’active discrètement, à l’affût de ses émois, exécutant ses volontés, en bonne machine qui ne se plaint qu’aux heures des repas, lorsque les poubelles sont pleines ou quand les batteries doivent être rechargées.
Je lisais chez Havi Carel qu’être malade transforme l’opacité du corps. D’invisible, il reprend une place brutale au salon de la vie. Je ne suis pas malade, mais mon corps ne me rappelle pas moins à l’ordre.
Il me signale ainsi, par la peau, qu’il est temps de ralentir la machine. Ce sont surtout les yeux qui en pâtissent. Les paupières s’échauffent, les orbites s’assèchent, et, par moments de grand stress, le psoriasis vide les marais.
Rien de bien grave pour l’instant.
Tu travailles trop, dira l’une de mes certitudes, tu angoisses trop, énoncera une autre. Tu cours après ton ombre ? ironisera la conscience.
Sans doute. Je ne sais quoi faire d’autre en ce moment. Je suis furieusement zen. Je ne tente aucune plainte. J’ai le mince espoir d’avoir les bonnes faveurs d’un éditeur, qui s’est montré intéressé, mais sa réponse semble dangereusement tarder. J’ai aussi toutes mes heures, n’ayant pas de travail en vue. J’ai mon appartement à terminer, j’ai mon budget à redresser, j’ai mon inspiration à recréer. C’est si peu de misère humaine, car de l’autre côté de la balance, on constate que j’ai un toit, que je mange et aime à ma faim.
Je me répète, je tourne en rond à l’intérieur d’une insaisissable quadrature.
Qu’on ne s’étonne pas alors d’une faiblesse de la peau... Que mon corps m’excuse et qu’il me protège. Je ne crie qu’à moi-même.