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Marcher seul

1 mai 2016

Je marche de nouveau seul. Le Portugal semble bien compliqué tout à coup, la réalité me rattrape et opine de la tête à me voir ainsi finalement accepter les conclusions de toutes ces petites voix qui me susurraient depuis un an leurs paroles de commères. Je marche seul, car il en a toujours été ainsi. Adolescent, j’étais dans les nuages, adulte, j’ai voulu y rester. Et le désordre qui en résulte est un refrain fredonné jusqu’à l’ennui, persistant, obstiné. Il ne s’agit pas là de tourments, de complaintes. Il y a bien sûr ces vagues douloureuses qui déferlent lorsque mon regard se pose sur des gens qui semblent, après toutes ces années, avoir trouvé l’accalmie entre eux. Le bonheur existe; j’adore être rivé à une peau, une âme. Mais il me faut reprendre la mer, car ceux qui m’accueillent ne m’aiment qu’à petit feu.

Pourquoi est-ce si compliqué pour moi? Pourquoi ma marche semble-t-elle plus certaine lorsque je suis seul? Se peut-il que je sois bêtement difficile à vivre, que je ne puisse me contenter de peu alors que je suis moi-même un petit rien ?

Il peut paraître curieux de m’entendre dire que je ne suis pas triste, seulement malheureux. J’ai toujours aimé les contraires, la corde de raide de l’existence, Narcisse aveuglé et désincarné.

J’envie ces gardiens de phare d’une autre époque. Je crois que je m’y serais senti heureux dans une de ces tours balayées par le constant grondement de l’océan. J’y serais peut-être devenu fou et j’y aurais peut-être ainsi trouvé le génie qui me manque. Le courage aussi d’être ce que je suis.

Jamais je ne dirai non à l’amour. Il s’est parfois accosté à mon quai et j’ai goûté chaque heure de sa présence. Il reviendra, j’en suis convaincu. Je doute seulement qu’il accepte longtemps ce phare isolé de l’existence. Il faut deux fous pour se bâtir un asile. Je suis encore à la quête de mon fou. Peut-être je cours désespérément après ma queue.

Entretemps, je dois payer mes comptes et rembourser mes aventures chimériques. Je marche lentement, d’un pas incertain, d’une manière aveuglée. La marche, c’est la santé, après tout. Adieu, jusqu’à demain, jusqu’à un autre jour. La danse continue.

Et puis, ça ne m’empêchera pas de continuer à apprendre le portugais. J’y suis, j’y reste.