en

Mercure Mapplethorpe

15 janvier 2017

On m’a emmené au Musée des beaux-arts, hier, pour voir l’exposition sur Mapplethorpe. Photographe baignant dans le dynamisme new-yorkais des années 70 et 80, l’homme s’est rendu célèbre pour ses photographies sexuelles provocantes.

Je ne me comparerai pas mes maintenant anciennes photographies aux siennes, mais j’ai reconnu l’expérience de prendre en photo les gens. Mapplethorpe disait que s’il avait vécu un siècle plus tôt, il aurait fait de la sculpture, la photographie étant un moyen rapide d’arriver un peu au même résultat.

Il n’avait pas tort. J’ai toujours eu cette impression, devant un modèle, de chercher la pose qui donnerait sa juste valeur à sa personnalité. En voyant beaucoup des portraits qu’il a faits — Mapplethorpe privilégiait l’intimité d’un studio — j’ai perçu cette tentative, parfois maladroite, d’aller chercher un caractère universel à telle ou telle partie du corps.

J’ai été surpris de la pauvreté de la lumière dans les photos de l’artiste. Il y a certes de magnifiques œuvres, mais la lumière n’est pas présente partout, le blanc étant souvent plus gris qu’autre chose et on sent que le traitement noir et blanc venait réchapper des photos moins réussies.

Les thèmes de nombre des photographies est la sexualité, parfois BDSM. Bisexuel, la sexualité était pour lui source d’inspiration, ses photos étant l’expression de cette quête. Pour lui, S&M ne voulait pas dire sadisme et masochisme, mais sexualité et magie, affirmant, comme bien sûr tout le monde le sait, qu’il y a dans l’acte sexuel une part du rite primordial.

J’ai, moi aussi, photographié des hommes nus, peint des tableaux avec leur corps, mis sur pellicule numérique une intimité qui n’appartient qu’à leur modèle. J’ai des photos que je ne pourrai jamais montrer, car je n’ai fait signer aucune décharge (sans jeu de mots) à mes modèles. Je comprends ce que Mapplethorpe faisait, mais contrairement à lui, je me suis lassé de l’exercice. J’ai parlé de mon expérience de photographe dans mon livre Falaise. Le vieil Alfred était le modèle d’André. J’y relate un fait, une photographie qui m’a été décrite. Elle aurait pu être faite par Mapplethorpe.

Le photographe était le fruit de son époque. Même si un écriteau lumineux nous avertissait à l’entrée d’une salle que celle-ci contenait du matériel adulte, il n’y avait rien à découvrir. C’était osé pour l’époque, ça pourrait même laisser froid dans la nôtre. Pour un, Mapplethorpe aimait les grosses bites, la sienne était pas mal aussi. Il s’est fait entrer une main dans le cul, car il essayait tout ce qu’il voulait photographier. Il a donc photographié une main dans un cul.

Je ne voudrais pas réduire son art à cet aspect de sa photographie. Il a photographié bien d’autres choses, des artistes, des fleurs, des femmes atypiques et des noirs trop typés diront ses critiques les plus acerbes. Une exposition a fait scandale aux États-Unis. Il y a eu un épique combat pour la liberté d’expression. Les artistes ont heureusement gagné.

Il m’a fait penser à Cocteau, en plus triste, donc en plus contemporain. Il recherchait la perfection, la forme. Son génie était de posséder un regard qui ne portait pas de jugement, tel un Mercure observant les banquets divins sans sourciller.

Après cette visite, nous sommes allés voir le nouveau pavillon pour la paix du Musée des beaux-arts. Changement de ton, de regards. Les six étages survolent quelques grandes époques de l’histoire de la peinture. Le pavillon a été construit autour du don très généreux de Michal et Renata Hornstein. Il y a de belles croûtes, du portrait d’aristos, des grands tableaux épiques, religieux, tout comme il y a de magnifiques œuvres, de grands noms. J’y retournerais bien volontiers voir ce pavillon.

Une scène m’a ému. J’aurais aimé mieux la croquer, mais le temps de prendre mon iPhone et le petit garçon dessinant un Schiele avait déjà pris une autre pose. Le garçon avait du talent et le contraste entre l’autoportrait du peintre et lui était saisissant.

Au fond, c’est ça, l’art, ce contraste que l’on crée entre son imaginaire et la réalité. Je devrais aller plus souvent au musée…