Évidemment, l’automne inspire le poète. C’est une saison doucereuse, annonçant l’amertume de l’hiver, mais, le beau temps aidant, on ne s’en préoccupe pas encore. Il fait beau, la mort est là à diffuser des parfums d’apaisement, l’air est chaud, la lumière tasse les ombres, mélangeant savamment les couleurs. Tout est à sa place, dans l’ordre des choses. On se sent quasiment éternel.
Nous le savons tous, cela ne dure pas. Déjà que, début septembre, nous fûmes plongés dans un froid hâtif. Il n’en fallut pas plus pour que les poumons toussent, les nez coulent et que les systèmes de climatisation des immeubles déraillent, soufflant tantôt le chaud, tantôt le froid. Qu’on ne se trompe pas, les saisons avancent, c’est inéluctable, c’est comme l’océan, tout est plus fort que nous.
Si je m’arrête un instant et que, du bout de mes antennes, je tente de connaître où j’en suis dans le jour de ma vie, je pourrais peut-être croire que je vis mon automne. Après tout, mon esprit semble être pourvu d’une belle lumière, j’ai suffisamment vécu pour être capable de mélanger adéquatement les sagesses. Et je suis convaincu qu’un jeune adulte me percevra comme un faiseur d’ombre. Je pourrais ainsi conclure que mon été n’est plus. Mes articulations commencent à se raidir, je préfère les gestes lents, les émotions étales aux tempêtes orageuses ou aux dances trop extravagantes.
D’un autre côté, je suis très mal placé, ainsi au centre de mon existence, pour en connaître le départ ou la finalité. Ce n’est qu’à sa mort qu’on peut savoir quelles saisons on aura traversées. Et encore, on n’aura pas le temps de s’en apercevoir. Si je suis comme ma grand-mère maternelle, je ne suis qu’à l’été de mon existence. Mais si, demain, je me fais happer par une voiture, on pourra dire que j’étais déjà dans mon hiver. Cela prend un certain courage de s’en moquer et de s’en préoccuper. Je crois que la plupart des gens ne le font pas. Ils basculent dans un camp ou dans l’autre. Je suis le premier à le faire quand, par exemple, je passe ma journée entière à coder des pages web qui n’ont rien à voir avec mes questionnements existentiels ou qu’à défaut de faire mon budget, je m’attarde à écrire ces lignes (sans compter l’épicerie à faire, le ménage à poursuivre, les rénos à compléter).
Est-ce que la paix existe vraiment dans nos têtes ? Sommes-nous ces ouragans que rien ne dompte ? Comment faire pour apprendre des saisons passagères ? Se taire, car il n’y a pas de réponses ? Ou dire, car la mémoire est si frivole ? Se promener, en tout cas, car ne plus rien faire, c’est l’hiver assuré.