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L’œil

14 avril 2019

La photo a fait le tour du monde, moins vite que la furie existante si loin dans l’univers, un phénomène aussi vaste que notre système solaire, il y a de quoi en perdre son petit latin d’être humain.

Sur le coup, l’image ne m’a fait ni chaud ni froid. Les artistes en avaient déjà peint plus joliment l’allure. Puis, quand j’ai lu que l’œil au centre était une ombre, que ce qui se tramait derrière était une courbure d’espace-temps si forte qu’à sa périphérie on y verrait l’arrière de sa tête, quand j’ai compris que la lumière l’entourant pouvait être la somme de toute une galaxie et que, visuellement parlant, cela concordait aux calculs du savant fou qu’était Einstein, je n’ai pu qu’acquiescer la grandeur du phénomène. Me taire aussi.

Alors j’ai repris ma rengaine que l’image que l’on se fait de Dieu est si obsolète. Il y a bien des chances que notre grande Ignorance dépasse les visions mahométanes, les flagellations jésuitiques et les querelles de clocher.

Toujours est-il que la race humaine, une étincelle naissante à l’échelle spatiotemporelle, en est à regarder les innombrables regards holocaustes et quantiques de l’univers. Et puis, n’arrive-t-on pas déjà aussi à sentir les vagues gravitationnelles ?

En soi, il s’agit d’un plus grand miracle encore. Ne devrait-on pas déchirer nos bibles, corans et tous ces palimpsestes d’incertitudes ? Ne devrait-on pas se taire un peu et écouter, regarder l’enseignement qui s’écrit de lui-même devant nos yeux ?

L’œil ? Il n’est pas unique. Il est peut-être mâchoire, dents, gourmandise d’énergie. La conscience ? Elle est sûrement sensible à ces ondes qui savent naviguer à travers les planètes.

Comment croire alors ? N’est-ce pas là une trop grande prétention que de penser pouvoir saisir ce qui nous avale comme si nous n’étions que des phalènes ignorantes des vraies choses ?

Et toi, que j’aimerais avoir dans mes bras, ne suis-je pas en train de vouloir imiter cet œil sans que nous ne puissions en comprendre la danse ?