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Poussière et détritus

23 décembre 2020

Ne nous a-t-on pas déjà dit que nous étions poussière et que nous retournerions, à notre dernier souffle, dans l’océan sablonneux des petites choses ? Moi qui ai du mal à tout nettoyer, à effacer les traces, je remarque de plus en plus la matière laissée pour compte : les pelures d’oignon vouées au compost, les grains de café qui s’échappent du moulin, la pâte collée à son bol qui ne deviendra pas du pain. La matière ne semble pas plus consciente de son devenir que ça. C’est bien entendu mon cerveau alambiqué qui note sa supposée destinée. Il me vient tout de suite à l’esprit les morts quotidiens de la pandémie, les multiples jouissances qui se dissolvent dans des utérus asynchrones ou à l’intérieur de mouchoirs ou d’animaux de circonstances. Je pourrais également y inclure les rires inutiles, les actes lancés dans le vide, le temps perdu à ne rien faire ou à tout faire de travers. Il ne me faudrait pas oublier cependant les richesses de nos inventions, la force obstinée de notre volonté de vivre, les arts, les chants, les cris des mères, des enfants, des poètes. Il ne faudrait pas non plus passer sous silence les légions d’espèces, les insectes et les bactéries, le turbulent bouillon de la Création, cette grande inconnue à qui l’on voue un respect et un désintérêt sans bornes.

Rien ne se perd, semble-t-il. Rien ne se crée non plus ?

Grains infimes, nous sommes, et c’est du cumul de nos existences que se gonfle l’océan de nos manifestations. Les étranges atomes formant l’univers s’agglutinent en nous, en eux, en ces choses. Le miracle provient de ce chaos qui se dévore lui-même avec un plaisir à la fois sain et diabolique.

On n’y peut rien, c’est certainement le meilleur espoir que l’on peut fournir afin de poursuivre cette aventure qui nous échappe.