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Quelqu’un lit

2 juin 2012

Il m’a fallu taire le quotidien pour laisser toute la place à la révision du roman. Il m’a fallu également escamoter les grèves, les protestations, le printemps, érable ou quotidien, car il me fallait aussi arrondir le dos, absorber une surcharge de travail sans précédent.

Je suis fatigué. J’ai annoncé des vacances pour le mois de juillet. Des projets se terminent, un dernier concert important demain, puis l’été arrivera. Dans ce brouhaha, je n’ai à toutes fins pas réagi à l’achèvement du roman. Habituellement, un silence s’engouffre dans le vide laissé par la lecture quasi quotidienne du texte. Un silence ou une nausée. Il y a un peu de cela. Toutefois, comme le travail m’appelle, comme les rénovations attendent, j’ai décidé de laisser aller. Tout viendra à point. Quand on ne maîtrise pas la situation, quand on ne sait trop où va le vent, il faut voir au plus urgent, tendre l’oreille, lever les yeux, scruter l’horizon.

Je suis fatigué, mais heureux. Et quelqu’un me lit. Quelques-uns me lisent en fait. J’attends leurs commentaires. Je leur ai demandé la franchise, car l’exercice est trop périlleux pour se permettre les mensonges.

Un ami choriste m’a écrit ce matin :

Bonjour Guy,

Hier soir après la répétition, j’ai continué à lire ton roman - tranquille et seul, dans un petit bar du plateau, dont tu as peut-être vu la photo sur Facebook (dimanche dernier). Sinon, voir photo ci-jointe.

Je sens une précision quasi chirurgicale dans ton discours - le choix des mots.

À continuer, à ce jour j’aime bien (et je ne dis pas ça juste pour te faire plaisir), mon intérêt est toujours là.

Quoi demander de plus ? Sa lettre m’a d’autant touché qu’elle était accompagnée de la photo ci-haut où on y voit le roman qu’il a imprimé et boudiné. Sympa. L’objet existe au-delà de moi.

Un autre ami choriste a sorti de la Grande Bibliothèque le dernier roman publié, Les Années-rebours. Il s’est approché de moi, hier, pour m’avouer qu’il aimait beaucoup.

Tant mieux. Ce n’est pas l’orgueil qui me guide en ce moment, mais le sentiment d’un travail accompli. Pour le reste, qui vivra verra.