Depuis que je suis retourné dans ma chambre, j’ai récupéré le matin, son arbre dodelinant l’aurore, le ciel attaqué par les oiseaux. Un sentiment d’ordre s’engouffre dans ma conscience et je crois que, dans la foulée, même mes rêves se suivent candidement, tels des enfants de garderie attachés les uns aux autres, attendant sagement leur tour pour traverser la rue.
Il s’agit certes d’une illusion. Je me suis réveillé d’ailleurs durant la nuit pour uriner et me suis demandé pourquoi diable je rêvais d’une expérience de laboratoire médical. S’il sont des bambins, mes rêves ont une drôle d’enfance et leurs histoires ne proviennent pas de Passe-Partout.
Mais retournons au matin. Il est dix heures. J’ai pris mon petit-déjeuner, mon café, ai déjà discuté avec des gars sur Internet. Je suis de nouveau dans mon lit, à écouter/regarder la matinée, à explorer le vert de cet arbre qui, malgré son ordinaire, me tamise et digère la lumière. Je vois un nuage passer. Je l’oublierai, car d’autres, tels des adolescents pressés, traverseront la rue quand bon leur semblera, laissant derrière eux un chapelet d’éphémère blancheur.
Je profite encore quelques instants de ce moment calme, mais je dois me lever. J’ai des travaux, mon épicerie à faire. Je tempère une zone impatiente, dans mon esprit. C’est l’adulte qui compte les jours, les heures, parfois les secondes et qui ronge ses ongles, son frein, son humeur. Il aime bien le matin, s’en gave. Il aimerait également savoir de quoi il en retourne avec cet enfant qui n’arrive pas sortir du ventre de sa mère, son roman, son jus, ses eaux. L’adulte attend. Il espère.