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Rêves érotiques

16 mai 2020

Je ne serai pas original en affirmant que j’ai fait un rêve érotique. J’imagine déjà le sourire en coin de certains ou un dédain chez d’autres. Dans ce monde qui affiche la sexualité dans tous les médias, il est plus qu’étonnant de constater la gêne qu’une telle affirmation peut occasionner. Je me verrais mal en effet affirmer devant mes collègues que j’ai rêvé à eux, encore moins que j’ai fait ces choses qui ne sont permises que dans l’intimité secrète d’un moment chaud. Et pourtant, chacun le vit, à sa façon, en goûte autant le suc enivrant que son éphémère durée vinaigrée. Il est intéressant aussi de constater qu’une telle révélation peut facilement être considérée comme une agression pure et simple.

La pulsion en nous agit comme un fantôme, sa langue est insatiable, sa puissance est intarissable et volontaire. Je me surprends aussi de ces rêves, qui arrivent de nulle part, et qui me rappellent qu’aucune blessure, aucun échec ne vient à bout du courage de l’acte. Les vieux érotisent, les bébés se préparent à jouir, les adolescents s’en font les martyres et les adultes apprennent à se retenir. La flèche du désir atteint chaque fois sa cible. Son parcours est autant labyrinthe qu’évangélisme.

Il n’est pas surprenant d’entendre les faux prudes hurler d’horreur. Ils ne savent que trop bien qu’ils ne pourront vaincre ce qu’ils appellent des démons. Rien d’extraordinaire non plus à écouter les troubadours anoblir leurs plus vils fantasmes. On se donne les excuses qu’on peut.

Malgré tout, on demeure prudent à décrire ce que l’on a rêvé, car évidemment, tout y est permis : le gros sexe sale comme on dit, les doigts partout, les langues effrénées, les anciennes images adolescentes, les frontières qu’on ne franchit habituellement jamais, à moins d’être plus ou moins enivrés de naïveté ou d’alcool.

C’est un jardin secret si fragile, se dit-on, que seul un contexte clinique en permet l’auscultation. Je ne peux donc aller au-delà de la déclaration que j’ai fait des choses, ne vous en déplaise, qui m’ont bien plu pendant quelques minutes d’inconscience. Je suppose que, de toute manière, ces choses équivalent aux vôtres et que, en fin de compte, il n’y a pas de honte à garder cela pour soi. Qu’adviendrait-il, en effet, si chacun se mettait à raconter sa vérité, si nous devenions le livre ouvert qui se doit d’être non dit ? Qu’y a-t-il de si précieux à garder ce silence jusqu’à notre mort ?