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Salut, demeure chaste et pure, ou la bataille du contre-ut

19 octobre 2019

En août 2012, j’amorçais un long apprentissage du chant classique. Comment dire, c’était hier. C’est ce qu’on se dit quand on persiste et signe. On ne voit pas le temps passer, on se laisse bercer par la passion d’explorer et de s’abandonner à emprunter des chemins inconnus.

En 2017, je délaissais, il me semblait pour de bon, le chant choral. Je me sentais flétrir dans un cul de sac d’homogénéisation et s’il me fallait vieillir seul avec ma voix, autant l’explorer le plus longtemps et le plus haut possible.

À coup d’une répétition par semaine, disons un peu plus de quarante séances par an, les progrès ont été lents, aléatoires. La technique s’est installée tout de même et la victoire s’est gagnée surtout dans la compréhension des aigus. Il y a deux ans encore, je parvenais à peine à chanter un si bémol. Voilà que, malgré l’humilité que cela impose, j’ai réussi, dans un premier temps, à gueuler un contre-ut, pour ensuite être capable de l’atteindre sans trop d’accidents.

Si on ne sait pas ce qu’est un contre-ut, c’est le genre de note que tout amateur d’opéra attend de pied ferme de la part d’un ténor, et certains airs sont célèbres pour se casser la gueule, tel le Salut, demeure chaste et pure, de l’opéra Faust composé par Gounod. Certains ténors lancent la note comme une trompette biblique devant les murs de Jéricho, d’autres réussiront à glisser dessus avec tout le miel dont la puissance de leur testostérone permet.

De mon côté, eh bien, ça va rester entre mon professeur et moi, ne vous en déplaise.

Sans vouloir faire de l’effet, je peux quand même affirmer que chanter est une bouée de survie. Toutes ces journées où je suis arrivé épuisé devant mon professeur pour ressortir de la séance ragaillardi et excité ! L’apprentissage du son aigu relève de la catharsis. Point de peur à avoir, ça passe ou ça casse et ça redonne confiance en la vie !

Maintenant, j’entends dans ma petite tête, la hauteur du défi, l’étroitesse et la puissance de ces sons qui, lorsqu’ils résonnent dans la caverne de mon crâne, font exploser des doses massives de sérotonine (ou de dopamine, allez savoir).

Chanter du Gounod n’est peut-être pas ma tisane préférée, car l’opéra, madame Chose, c’est quand même un peu beaucoup du Disney on Ice ; cela demeure un passage obligé soit explorer les divers univers de la musique comme si l’on était un Hobbit en quête d’une hauteur.

Voilà qu’après maintenant sept ans de leçons, j’ai décidé de revenir au chant choral. J’ai auditionné pour entrer dans un chœur de bon niveau, l’Ensemble vocal Phoebus. On m’a accepté. J’y arrive en tant que ténor. J’ai chanté cet été avec une partie du groupe lors de funérailles de la mère d’un des choristes. L’expérience m’a donné le goût de renouer avec les concerts et aussi la camaraderie vocale. Il était temps, j’imagine, que l’ours sorte de son antre.

Je n’abandonne certainement pas les leçons pour autant, plutôt le contraire, tant et aussi longtemps que mon professeur voudra bien de moi. Ma mère m’a donné sa voix, mon père son courage. À la vie, à la mort, je suis né cigale, eh bien, je chanterai été comme hiver !