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Troisième refus

5 avril 2012

Le refus arriva lundi, par un courriel laconique.

Après avoir lu avec attention votre manuscrit intitulé Les mailles sanguines, le comité de lecture des éditions ... ne l’a pas retenu pour publication.

Nous vous souhaitons néanmoins la meilleure des chances auprès de nos confrères et vous remercions de nous avoir confié votre manuscrit.

Respectueusement,

Je ne l’ai pas annoncé tout de suite, non pas par gêne, mais par modestie. Je voulais également mieux comprendre ce qui se passerait en moi. Personne n’aime l’échec, et encore moins moi qui eut plutôt la vie facile de ce côté. Si les heures qui suivirent furent troublées, j’ai lentement relevé la tête.

Je sais que mon manuscrit (tapuscrit s’entête à écrire mon ancien éditeur, par souci de conformité à la réalité) doit être retravaillé. J’ai déjà relu, parfois réécrit 24 des 81 chapitres. Je me surprends de ma patience et suis heureux de constater que je ne me décourage pas plus outre mesure. J’ai pris du temps à écrire Les Mailles sanguines, j’ai été vague dans le temps, j’ai vécu autre chose. Si on n’écrit pas tous les jours, les doigts et les idées s’endorment. C’est comme le corps que l’on abandonne au confort.

Ces refus m’obligent à refroidir mon regard, à devenir symboliquement un éditeur, quelqu’un qui aura beaucoup lu et qui ne se surprend plus pour grand-chose.

Et si je relève toujours la tête c’est que, 1) oui je suis obstiné, 2) ce texte reflète mon âme, les personnages révèlent les coins les plus intimes de ma vie et il faut donc que j’aille jusqu’au bout. Voilà, la pire des choses qui puissent arriver à chacun d’entre nous est d’abandonner en cours de route.

Des trois refus reçus, je préfère le deuxième, celui de la grande maison d’édition qui fut la seule à me dire un petit quelque chose et qui me demande de revenir vers eux, une fois le texte retravaillé.

Quant aux deux autres, ils ne me doivent évidemment rien, mais je les trouve paresseux à souhait, ou frileux. Puisque vous exercez le métier d’éditeurs, gentes personnes, ayez du courage, n’hésitez pas à blesser les auteurs avec le glaive de vos opinions. Vous avez probablement tort et raison, cela importe peu. Ce n’est cependant pas en demeurant politiquement corrects que vous hausserez le niveau de la littérature d’ici. Sinon, si vous persistez ainsi, c’est que vous n’êtes que des bureaucrates.